“C’est pas toi qui commandes.” Ça faisait la huitième fois qu’ils le répétaient depuis deux minutes, comme si je ne les avais pas compris la première fois. À chaque fois, ils ponctuaient ça en tapotant l’arrière de ma tête avec le canon du flingue. Ça devenait un peu lassant.

La plupart des clients du bar se dirigeaient discrètement vers la porte lorsque ces deux génies s’étaient jetés sur moi en me prenant mon arme. Certains avaient même emporté leurs boissons, partant du principe que ce qu’ils s’apprêtaient à ne pas voir ne durerait pas bien longtemps.

Je n’avais même pas réussi à bien les voir. À peine deux minutes plus tôt, j’étais en train de m’installer, prêt à m’en jeter un derrière la cravate. Le mois écoulé m’avait semblé long, semer ce chasseur de prime de Garron avait été plus dur que prévu. La prochaine fois, je ferais aussi bien de le descendre, plutôt que de m’échiner à m’introduire sur son vaisseau et à arracher son ordinateur de bord.

Un nouveau coup sec du flingue derrière ma tête. “Tu m’entends, Salassi?”

“En fait, pas du tout, désolé. Tu peux me répéter la fin?” Il écrasa la crosse du pistolet sur ma tête. Je heurtai le sol et roulai sur le côté, m’offrant un premier aperçu de mes assaillants.

L’un était plus grand, plus costaud, mais tremblait comme un drogué au SLAM. Celui avec le flingue était mince, nerveux, et sifflait comme s’il avait du mal à respirer. Je ne les reconnaissais pas, et c’était ça le plus inquiétant. C’est toujours utile de savoir pourquoi quelqu’un essaie de vous tabasser.

“Tu crois que c’est un jeu ? Hein ?” dit Siffleur, agitant le flingue devant mon visage.

“C’est pas toi qui commandes, Salassi.” ajouta le grand Lourdaud. “Tarsis a dit que t’étais à lui, maintenant.”

Oh. Genevol Tarsis était, ou plutôt est encore (chaque chose en son temps) un homme d’affaires. Pour le grand public, il s’agit d’un fier citoyen et entrepreneur qui dirige plusieurs géo-entreprises, mais loin des regards respectables, il dirige un vaste trafic d’armes. Il n’hésite pas à acheter ou vendre à n’importe qui dans l’univers. Un mois plus tôt, j’avais chargé une cargaison de pétoires Xi’An, que j’avais dû jeter par-dessus bord pour éviter de me faire épingler par les autorités. Après ça, je m’étais laissé distraire par toute cette histoire de prime sur ma tête. J’aurais probablement été bien inspiré de lui faire savoir que sa marchandise dérivait dans l’espace.

“Il a dit que t’avais des comptes à rendre” dit Siffleur avant de se tordre dans une quinte de toux.

“C’est vrai.” Je me redressai et prit une gorgée de ma boisson. Siffleur me suivait avec son arme, tandis que Lourdaud attendait la moindre excuse pour pouvoir faire voler ses gros poings. Je tâtai ma tête. Elle sonnait comme une cloche mais ne semblait pas saigner.

“Bon. Voilà ce qu’on va faire,” dis-je en ajustant ma position sur mon tabouret.

“Ferme-la, Salassi, c’est pas toi qui commandes…” grogna le Lourdaud en faisant un pas en avant, ce qui le plaçait entre Siffleur et moi. Entre le flingue et moi…

J’enfonçai la lame environ quinze centimètres dans sa poitrine. C’est presque trop facile quand ils sont bêtes à ce point-là. Ils veulent rosser un type et ne le fouillent même pas pour vérifier s’il a d’autres armes ? Les bandits stupides atteignent rapidement leur date d’expiration. Tarsis devrait me remercier de faire un peu de tri parmi son personnel.

Les yeux du Lourdaud s’écarquillèrent. Ses doigts se refermèrent sur ma gorge et se mirent à serrer. Je tirai la lame et le poignardai à nouveau. Siffleur bondit et décocha un tir. Il me rendit ainsi le fier service de tirer dans le dos de son ami. Ses doigts se relâchèrent. Je tendis le bras vers l’arrière, agrippai le tabouret, et le jetai sur Siffleur. Il le frappa directement à la mâchoire et l’envoya s’étaler d’un côté, et le flingue de l’autre.

Lourdaud tomba à genoux alors que je décrochai ses doigts. J’attrapai Siffleur par la gorge et le réveillai d’une gifle. J’appliquai la pointe de ma lame Vanduul sur sa gorge.

“Je disais donc : je sais que je suis en tort dans cette histoire, donc va dire à Tarsis que je vais tout régler. Mais,” j’appuyai un peu plus le couteau contre sa gorge, “si jamais je croise d’autres de ses laquais, je les étripe lentement. Et ça semblera gentil comparé à ce que je ferai quand je viendrai le chercher, lui. C’est clair ?”

Siffleur émit un chuintement, trop terrifié pour bouger contre la lame. Il respirait normalement pour la première fois.

“Bien.” Je le lâchai et allai récupérer mon pistolet. “Tu devrais emmener ton ami à une station médicale.”

Un des habitués du bar passa la tête par la porte. Il jeta un coup d’œil autour de la pièce.

“Vous en avez fini, ici?”

“Ouais, c’est réglé.” Ils commencèrent à revenir et à regagner leurs places, enjambant les deux voyous au sol. Je bus une dernière gorgée de ma boisson et me dirigeai vers la porte.

Je sortis et rejoignis l’Esplanade. Le bruit de la rue principale noire de monde me frappa comme une vague. À une époque, toutes ces stations orbitales servaient de relais pour les équipes de terraformation dans le système, mais désormais c’est un havre pour les dégénérés, le marché noir, et les fugitifs… mes semblables. Une sacrée déchéance. Les gens pourraient en dire autant de moi, j’imagine… mais je le leur déconseille.

Retour aux affaires. Je dois trouver un moyen de faire du fric. Et vite.

À suivre…

Traduction par Baron_Noir, relecture par Hotaru et Worlak – Source : https://robertsspaceindustries.com/comm-link/spectrum-dispatch/12744-Tales-Of-Kid-Crimson-Issue-1

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