Cette publication est une traduction libre d’un article posté le 11 décembre 2014 sur le site de MMORPG.com. Il s’agit d’une interview de Tony Zurovec, Directeur du Développement de l’Univers Persistant de Star Citizen.

 

Ce n’est un secret pour personne que les studios ont tendance à utiliser des écrivains comme une forme de publicité. Il n’y a là rien de malveillant, juste un subtil accent mis sur les nouveaux trucs qu’ils aimeraient voir mis en avant. La relation a quelque chose de symbiotique parce que, s’ils arrivent à contrôler dans une certaine mesure la publicité produite pour leur jeu, nous arrivons de notre côté à voir les choses un peu plus tôt que la plupart des gens, ce qui nous permet d’écrire des articles sur des informations encore pertinentes.
Voilà pourquoi je trouve particulièrement cool d’avoir la chance occasionnelle de faire un passage dans un studio et de discuter avec les développeurs sans être pressé par un ordre du jour particulier. Depuis que j’ai commencé à écrire, je n’ai jamais essuyé qu’une fois un refus face à une vague de questions et c’était dans une situation professionnelle particulière que je comprenais parfaitement et avec laquelle je n’avais aucun problème. Malgré cela, cependant, il est rare de pouvoir vraiment se plonger dans ce qui vous intéresse à titre personnel.
Je voyage à Austin périodiquement pour voir quelques amis et mener des entrevues, parmi lesquelles figure CIG. Cette dernière visite à CIG fut un de ces rares moments où j’arrivais à l’improviste tout en ayant le droit de discuter de tout ce que je voulais. C’était génial, et j’appris beaucoup de choses sur leurs plans sur l’univers persistant et le système de mission, des choses que vous, lecteur, avez désormais une chance de connaître aussi.

 

Théorie du Design Intelligent

J’ai commencé avec Tony Zurovec, tout en m’attardant sur quelques bureaux en chemin. En tant que Directeur de l’Univers Persistant de Star Citizen, les opinions de Tony importent et sa vision de ce à quoi cet univers éventuel est censé ressembler façonneront ce qui sera livré tout autant que ce que Chris Roberts veut voir. Développeur expérimenté, il a aussi une compréhension réaliste de ce qui est susceptible d’être fait dans un délai donné et c’est un point de vue vraiment rafraîchissant dans cette époque où les promesses semblent sujettes à une surenchère permanente.

Quand j’ai demandé ce à quoi Tony était spécifiquement disposé à discuter à propos de l’univers persistant il a donné une réponse très intéressante. “Le développement est dans un état de flux. Il y a beaucoup de systèmes sur lesquels nous avons fait des progrès significatifs, mais sur qui il reste encore beaucoup de détails à aplanir. [Il y a] beaucoup de facteurs qui vont considérablement influer sur ce jusqu’où nous pouvons pousser des choses, au moins sur le court terme. A un horizon de deux ou trois ans, évidemment, nous allons continuer à faire évoluer ces systèmes et l’expérience de jeu devrait s’améliorer au fil du temps, mais j’ai tendance à me concentrer sur le relativement court terme. Quant à ce qui sera dans le jeu à la fin 2015, nous allons pousser aussi loin que possible, puis six mois plus tard, ce sera encore plus loin.”

Dès les premières minutes la réponse de Tony à cette première question fut riche d’informations essentielles quant à la compréhension du développement de Star Citizen. D’abord, et c’est le plus évident, c’est un jeu énorme par rapport au design initial, et alors qu’ils ont fait beaucoup, cela signifie encore que les choses pourraient prendre un peu plus de temps que ce qu’elles auraient pris sinon. Plus important encore, je pense qu’il y a ici l’indication que la conception modulaire du jeu s’articule bien avec le développement, et que les donateurs auront l’occasion d’éprouver le contenu beaucoup plus tôt. Il dit aussi qu’ils doivent s’attendre à une amélioration continue de leur expérience de jeu.

Pour moi, la formulation de la réponse montre également une prise de conscience par l’équipe de la nature particulière de développement par financement participatif, signifiant qu’ils ont besoin de publier rapidement les composants auprès des joueurs sans attendre en premier que les choses soient tout à fait achevées. Pas au point de dire que vous devriez vous attendre à du poubelleware, mais qu’il semble que nous allions continuer à obtenir des choses dans un état pas tout à fait parfait. C’est une très bonne chose pour l’équipe, cependant. Les réactions des donateurs sur le terrain permettent d’obtenir du feedback sur les erreurs et les problèmes dès le début, quand ils sont beaucoup plus faciles à corriger.

C’est une autre indication que le modèle de développement modulaire avec des livraisons périodiques de contenu au niveau composant est efficace. Le sentiment de victoire a encore à être ressenti par les fans ou les développeurs, malgré tout. Je soupçonne qu’une fois le jeu publié officiellement, la stratégie de développement s’avèrera encore plus efficace alors que des composants majeurs sont facilement ajoutés au jeu après la livraison. Je suis un grand fan du système de développement de Star Citizen depuis longtemps, et heureux de voir que ça fonctionne bien pour eux.

 

Destinée contre Libre Arbitre

Voici où Tony et moi sommes en désaccord, cependant. Assurez-vous bien de lire jusqu’au bout, parce qu’il a raison et moi tort. Je ne vais pas le dire souvent mais j’aimerais souligner que je reste en désaccord avec lui sur la façon dont donner des pouvoirs aux joueurs dans un jeu. Il se trouve juste que mes désirs sont plutôt irréalistes dans l’industrie actuelle du jeu vidéo.

Le standard évident pour une économie dirigée par les joueurs se trouve dans EVE Online, et je suis parvenu au sentiment que Tony Zurovec n’est pas aussi fan que moi de ces mécaniques “hardcore”. Tony est certainement fan des jeux de type bac-à-sable, mais il a une posture réaliste quant aux dégâts que des joueurs peuvent infliger à l’économie d’un jeu.

L’économie dans le jeu Star Citizen va être incroyablement complexe, ce qui excite vraiment mon enfant intérieur. Pour moi Tony a plongé un peu dans les rouages du système, mais a souligné que cela ne serait pas du chacun-pour-soi. Le Module Economique de Star Citizen comprendra quelque chose comme des “rails”, un modèle de tarification guidé afin de maintenir l’économie dans une certaine gamme de normalité.

J’ai protesté avec horreur, bien sûr. Je ne suis pas grand fan de l’économie keynésienne dans le monde réel et je tiens encore moins à ce qu’on me l’impose dans un jeu. Si je veux devenir le Baron du Fer et avoir la main sur les mouvements du marché du fer, je sens que je devrais être capable d’y parvenir en travaillant assez dur.

Tony a souligné à quel point ce serait irréaliste, cependant. Il nota que les rails étaient vraiment là pour simuler le fait que les joueurs n’étaient pas les seuls à produire des biens ou à les expédier d’un point à un autre. L’idée qu’une poignée de joueurs puisse interdire tout trafic entrant et sortant d’un système est assez irréaliste quand vous pensez à quel point l’espace est immense. Nous serons certainement capables d’influencer le marché dans une certaine mesure avec suffisamment d’efforts, mais ils veulent protéger l’économie d’un sabotage complet par les joueurs. Bien que le point soit passé sous silence, je dirais que c’est une autre indication que la vente de navires pour collecter des fonds pour le jeu sera bien moins “pay-to-win” que beaucoup voudraient vous le faire croire.

Eh bien, je n’aime toujours pas ça. Je dois admettre qu’il a raison, cependant. Je suis d’accord avec l’idée qu’un joueur puisse complètement détruire mon empire du fer en devenir parce que j’aime plus la lutte pour le succès que le succès lui-même. Star Citizen a augmenté au point d’inclure un grand nombre de fans de toute sorte, et il est assez peu probable que la plupart d’entre eux apprécient le système hardcore pour lequel je plaide.

C’est tout à fait juste, et tout à fait approprié, d’inclure les joueurs moins hardcore dans l’équation et de vous assurer que vous construisez un jeu auquel ils aiment aussi bien jouer. Plus de joueurs fait un jeu beaucoup plus sain sur le long terme et c’est une victoire pour tout le monde. De plus, le système économique est extrêmement important dans le développement de l’univers de Star Citizen.

L’économie sera une force motrice majeure derrière le système dynamique de génération de mission. Le marché sera également intégré à la modélisation planétaire et déterminera dynamiquement ce que seront les populations et la prospérité des systèmes donnés. Les types de PNJ que vous rencontrez sur la planète où Rediron Industries a établi son siège et la façon dont ils s’habillent seront déterminés en partie par le module économique.

L’inconvénient de cela est d’avoir des sortes de rails en place si vous voulez garder riches et pleins de sociétés des mondes remplis de sociétés riches. L’avantage est la possibilité de définir de nouvelles planètes avec un ensemble de propriétés et les faire apparaître dans l’univers persistant avec très peu d’efforts. N’oubliez pas le commentaire de Tony au sujet de continuer à faire croître le jeu sur un intervalle de deux à trois ans? Peut-être que vous réalisez maintenant pourquoi c’était un commentaire très important…

 

Périchorèse

Les missions dans Star Citizen seront également plus complexes que vous pouvez trouver dans la plupart des jeux, et plus engageantes du point de vue du jeu de rôle. Tony dit qu’ils est encore tôt dans le développement de ce composant de jeu pour vraiment donner des détails sur la façon dont ils vont faire les choses, mais je l’ai amené à parler en livrant un peu de la théorie sous-jacente. J’ai pensé à l’idée de “l’intention du commandant”, pour reprendre une vieille expression de mes jours à l’Armée, qui pourrait nous en apprendre beaucoup sur ce qui nous attend.

“L’objectif de base à haut niveau est de présenter aux joueurs une quantité pratiquement infinie de contenu, qui soit beaucoup plus intéressant et beaucoup plus difficile que ce que vous avez vu dans les MMO jusqu’à présent”, déclara Tony. “Le problème fondamental avec l’approche [stantard] est qu’une fois que vous avez fait une séquence de missions, elle est beaucoup moins intéressante. L’alternative est d’aller vers des séquences de mission entièrement fabriquées à la main, ce qui est incroyablement coûteux en termes de conception”.

“Ce que nous essayons de faire au niveau conceptuel est de trouver un équilibre entre ces deux extrêmes,” explique Tony. Il continua d’évoquer comment ils envisageaient de tenter de combiner ensemble, algorithmiquement, les différents éléments de la mission. L’exemple qu’il cita était celui d’une situation où le joueur pourrait voler à travers l’espace et récolter un appel de détresse. Les appels de détresse dans le passé auraient pu exiger que le joueur aborde un vaisseau ou pénètre dans une installation pour sauver un otage, ou peut-être pirater un noyau d’ordinateur pour récupérer des informations critiques. Il y a toutes les chances que celle-ci soit encore complètement différente, peut-être une combinaison que personne dans le jeu n’a encore rencontré.

Tony compare cela à un fil, et “alors que vous tirez le fil de la mission, des sous-objectifs supplémentaires liés à l’objectif précédent et reliés algorithmiquement deviennent disponibles.” Dans quelle mesure continuerez-vous dans ce cheminement de mission généré dynamiquement en reviendra au joueur. “Le but de tout cela est de faire en sorte que lorsque vous répondiez à un appel de détresse, cela puisse amener à quelque chose de complètement différent.”

L’avantage de ceci est que chacun des sous-objectifs peut être beaucoup plus fortement détaillé, et capturer une profondeur généralement associée à des missions fabriquées à la main. En reliant dynamiquement ensemble des missions courtes, vous obtenez quelque chose de beaucoup plus grand, qui a l’air moins répétitif dans le grand ordre des choses et se prête plus à la construction d’un univers vivant. Il y a aussi cet aspect modulaire du jeu où la stratégie consiste à poursuivre le développement.

Tony mentionna que d’autres joueurs verraient des éléments de la mission qui se déroule, un cargo attaqué par exemple, mais parce qu’ils n’auront pas fait partie de ce qui a conduit à cette situation, ils ne sauront pas quel est le contexte. Si vous vous donnez la peine d’y penser c’est un peu comme la vie réelle. Nous passons toute la journée à voir des choses comme le gars boitant sur des béquilles ou la voiture avec un impact de carrosserie sans jamais savoir comment c’est arrivé. Ce sont juste quelques-unes des nombreuses choses qui gravitent autour de nous, hors de la normalité, et ajoutent de la couleur à nos expériences.

L’idée derrière le système est également de pouvoir inviter vos amis à vous rejoindre en cours de route dans une mission parce que les choses deviennent trop chaudes. Michael Weston n’a jamais eu à attendre que Sam Axe aille parler aux PNJ et se fasse lui-même “rattraper” par la quête. Mike fait juste un appel et Sam se ramène avec le matériel approprié. Si le système est mis en œuvre comme il se présage, cela signifie qu’être le fameux ami avec beaucoup de jouets qui font boum est un moyen tout à fait viable de jouer à Star Citizen, et c’est une autre marque en faveur de CIG.

 

Confession

Donc, dans mon dernier article, j’ai posé un regard dur sur Star Citizen. Cette fois, je voulais vraiment mettre en évidence quelques-unes des choses auxquelles je pense qu’ils s’attellent correctement. Dans un sens, ce n’était pas vraiment ce que j’attendais, parce que je suis un tel fan de l’autonomie laissée aux joueurs pour leur permettre de faire ce qu’ils veulent que je m’attendais vraiment à être assez opposé à cette approche “d’économie sur rails”.

Quand je suis parvenu à mettre de côté ce que je voulais personnellement, et parvenu à poser un regard critique sur ce qui serait effectivement le mieux pour le jeu, je n’ai pas pu m’empêcher de reconnaître que leur approche actuelle est probablement la meilleure solution dont j’ai jamais entendu parler, tous MMO confondus. Tony a admis qu’il ne serait pas totalement impossible d’influencer le marché comme je l’aurais voulu, juste que ce serait progressivement de plus en plus difficile. Pour massacrer une vieille expression de mes collègues de physique, alors que X se rapproche de Y, le rouge a l’air de plus en plus frustré.

Une chose que je suspectais et qui fut confirmée par cette visite est l’incroyable intelligence de Tony Zurovec. Il ne s’en tirera pas avec une nouvelle interview par email, car elle ne lui rend pas justice. Tony ne répond pas aux questions, il les déconstruit et assemble une démonstration applicable de la théorie derrière ce qu’il fait, ce qui a l’avantage secondaire de répondre à la question que vous aviez verbalement posée.

Si quiconque peut faire face à la marée d’idées que Chris Roberts déroule dans la liste des produits livrables, ce sera définitivement l’androïde qui a pris les traits de Tony Zurovec. Qui plus est, le gars va probablement comprendre comment faire fonctionner le tout encore mieux que Chris en avait l’intention. Je ne pouvais pas dire ce que ce serait Star Citizen quand j’ai soutenu ce jeu mais je pense que cette vision nous en donnera pour notre argent.

 

Qui est Red Thomas ?

Vétéran de l’armée américaine, geek enragé et joueur passionné, Red Thomas est l’oncle cool avec lequel tous les gamins de la famille aiment passer l’été. Red vit à San Antonio avec son épouse où il dirige son entreprise et travaille avec l’administration locale pour promouvoir la culture geek.
Suivez-le sur Twitter: @RedThomas

 

Traduit de l’anglais par Kotrin, relecture par Lumelame. Source : http://www.mmorpg.com/gamelist.cfm/game/883/feature/9202
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Traduction soumise à la licence CC By SA 3.0. Vous êtes libre de copier et réadapter ce texte en mentionnant les auteurs originaux, les traducteurs et la source. Merci !

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