Solar-7 : Episode 5 – Sorry Léa

 
 
 
Aux abords de Terra…
 
– Tout est en ordre vieux frère, je t’offre vingt quatre heures sans scan ni contrôle d’identité, et le tout à l’oeil en souvenir du bon vieux temps. Par contre ne dépasse pas le délai parce je ne pourrai plus te couvrir ça sortirait de ma permanence.
– J’dépasserai pas vieux.
– N’oublie pas, y’a un très vilain bulletin météo sur ta zone d’atterrissage. La milice locale vient d’interdire tout survol de Migon City, et là j’peux pas t’aider. Ils attendent des vents tourbillonnants assez violents et des chutes de neige, même les hoovers sont cloués au sol dans l’enceinte de la ville.
– Ok, je vois un parc de loisir saisonnier juste sur la rive sud du fleuve Migon, tu penses que je peux me poser là ?
– Attends voir… Ca me semble jouable oui, la milice ne patrouillera pas hors ville par ce temps, mais faudra pas trainer quand même si la tempête se calme car tu seras bien à vue là.
– J’devrai pas en avoir pour plus de quelques heures.
– Alors atterris vite Cole, si les vents s’intensifient encore même pour un as comme toi ça va pas être coton de poser ton poux volant, t’es plus en Hornet là.
– Merci d’me l’rappeler Di Stefano, j’ai perdu l’habitude de chercher les morceaux du tiens dans les astéroïdes.
Il y eut un échange de rires virils.
– A plus vieux.
– A la prochaine.
 
Cole coupa la transmission et attacha tranquillement sa ceinture, finissant d’un trait ce qui lui restait de bière. A la console informatique, Kiani s’attacha également.
– Quand il disait “pas coton” c’était à quel point ?
– Ca pourrait s’couer un peu ma jolie, répondit-il laconiquement.
Il passa en pilotage manuel pour amorcer la descente vers le nord de la planète Terra. De son atmosphère, on distinguait en effet une large masse de nuages menaçants qui formaient un énorme vortex au dessus de la surface. Terra était une magnifique planète, très semblable à la terre, connue pour être devenu le centre des échanges commerciaux et culturels dans l’espace de l’UEE. Pourtant, la zone ou ils se rendaient était assez éloignée des plus grandes mégalopoles. Le climat était plus rude et on y trouvait essentiellement de plus petite villes souvent organisées de manière thématique. Par exemple, Migon City était une ville d’artistes, un vrai petit microcosme de musiciens et de chanteurs avec une multitude de studios d’enregistrements et de salles de concerts. Il y a fort longtemps déjà une grande star galactique avait élu domicile à Migon en prétextant que le froid et la neige étaient de formidables sources d’inspirations, il avait été particulièrement suivi et la cité s’était développé sur un modèle culturel.
 
– Alors comme ça tu étais militaire Cole avant de devenir un bon samaritain ?
– Ouai, mais j’crois que j’étais déjà un bon samaritain avant.
L’appareil secouait sérieusement alors qu’il traversait la tempête. Cole était concentré, et il maniait ses commandes avec une précision d’orfèvre. Toujours un oeil sur l’extérieur et un autre sur les instruments, toujours une main sur le manche et l’autre sur la console. Il maitrisait chaque détail sans jamais détourner son attention. Kiani avait prit l’habitude de le regarder faire et même si elle ne lui avouerait probablement jamais, elle était impressionnée par sa maîtrise.
– Ca veut dire tu es resté le même toute ta vie ? D’ailleurs, crois-tu qu’on puisse changer fondamentalement ? Demanda-t-elle de manière assez badine, comme pour faire passer sa nervosité durant la traversée de la zone agitée.
– Tu dis ça parce que tu t’inquiètes de garder ton sale caractère ad vitam aeternam ?
– Je dis ça parce que si je n’arrive pas à changer, je n’arriverai jamais à m’attacher à autre chose qu’à ma personne. On m’a apprit à penser ainsi, j’ai du mal à comprendre ton altruisme envers tes amis. Kiani était bien plus songeuse qu’elle le montrait. Si Cole avait remarqué il ne lui laissa pas voir, lui parlant toujours de manière détachée et non intrusive.
– J’vois la vie comme un voyage interstellaire. On décolle en se fixant une destination mais au final toute l’expérience est dans le voyage, pas à la ligne d’arrivée. Mais pour autant si on ne se fixe pas de destination même floue ou incertaine, à tous les coups on s’paume.
– C’est la première fois que j’expérimente cette liberté de me fixer ma propre destination, comment garde-t-on le cap ?
Cole effectua une manouvre délicate pour se sortir d’un vent tourbillonnant, le vaisseau secoua assez violemment. Kiani s’agrippa à son siège oubliant sa question le temps que l’appareil se stabilise. Cole répondit alors de sa voix trainante.
– La réponse est dans la question ma jolie, tout est dans la manière qu’on choisit de tenir son cap. On part de ce qu’on est, et on choisit sa façon d’arriver à ce qu’on sera. C’est ça la liberté.
La jeune femme ferma les yeux un moment, s’égarant dans ses pensées.
 
L’Heraldess approchait de sa zone d’atterrissage, a proximité de la ville de Migon City, sur la rive sud du fleuve du même nom. Le vaisseau se posa sans encombre au milieu de ce qui ressemblait à une plaine blanchâtre au bord de l’eau. La visibilité était très mauvaise, le vent soufflant et décollant en permanence des bourrasques neigeuses.
Kiani observait l’environnement par le cockpit tout en s’habillant de vêtements plus chauds, elle allait devoir faire quelques kilomètres sous le blizzard pour rejoindre la cité. Cole s’occupait d’éteindre les moteurs du vaisseau.
Alors que la porte extérieure s’ouvrait pour laisser sortir la jeune femme, celle-ci se répétait mentalement les informations sur son objectif.
Le dispositif VASS visé ici appartenait directement au producteur qui était à l’origine du développement du jeu pour Original System, à savoir monsieur Dieter Zolan. Kiani ne pouvait s’empêcher de ruminer sur le fait que “Dieter” sonnait beaucoup trop comme “Peter” mais elle décidait que ça ne devait être qu’un détail sans importance.
Dieter Zolan donc, producteur “bas de gamme” pour le géant de l’industrie vidéo ludique. Il n’avait encore jamais été associé aux plus gros projets de la société et s’était contenté d’adaptation mineures, au mieux il avait figuré en bas de liste des contributeurs à des modules secondaires des phases beta d’Arena Commander. D’une certaine manière, pour la société il était aisément sacrifiable. Il avait d’ailleurs probablement été affecté à Migon City pour la coproduction d’une “compilation des meilleures musiques de la saga Ultimate” dans cette optique, afin d’être mis à l’écart du controversé VASS.
Mis à part sa carrière professionnelle, Zolan vivait dans un agréable chalet en ville avec sa femme et sa fille. Cet individu ne sortait pas de chez lui sans être accompagné par deux gardes du corps professionnels et disposait d’un impressionnant service de sécurité à son domicile, il était donc à classer dans la catégorie paranoïaque.
Les “amis” de Cole avaient déjà bien préparé le terrain avec Zolan, ils disposaient d’un contact infiltré chez lui en la personne de “Léa” qui était parvenue à se faire embaucher il y a peu comme garde du corps de la fille de Zolan âgée de 11 ans. C’était cette “Lea” que Kiani était censée contacter en arrivant.
 
Léa, tout ce que je sais sur toi c’est que d’après mon cher papa circonstanciel, je peux te faire confiance.. Etant d’un naturel prudente, je vais tout de même repérer les lieux avant de rentrer en contact et de là, j’aviserai !
Ce qui est certain, c’est que tout ce qui me permettra d éviter d’avoir à cambrioler la baraque d’un piètre producteur parano représentera une économie de temps et de risques non négligeable.

 
Objectif secondaire, n’oublions pas de profiter du court séjour dans le monde civilisé pour renouveler le stock de Solar-7 car même papa est en train de s’y mettre. C’est désolant.
 
Kiani s’élança sous le vent et la neige à travers le petit parc ou était stationné l’Heraldess. Elle s’était vêtue d’une combinaison en textile hermétique qui, si elle paraissait légère, était néanmoins recouverte de micro circuits auto-chauffants, une vraie petite merveille de technologie. Elle ne savait d’ailleurs pas ou Cole avait trouvé cela, parfaitement à sa taille qui plus est.
Elle ajouta un gilet rouge par dessus sa combinaison noire, ainsi qu’un petit bonnet de la même couleur pour protéger sa précieuse chevelure blonde; le plus délicat avait été d’enfiler des gants un peu trop petits pour elle sans trop gêner son attèle. Oui le pouce était toujours en très mauvais état et elle se demandait bien quand elle aurait l’occasion de réparer ça proprement.
Elle entama un petit footing pour gagner le plus proche des trois ponts qui permettait d’accéder à la ville par la terre et le traversa, elle croisa au plus quelques véhicules terrestres qui rentraient prudemment dans la cité pour se protéger du climat très capricieux. Elle troqua alors la course pour une marche rapide en entrant dans les rues, la tempête avait faibli et on pouvait distinguer un peu plus les bâtiments de la ville. Migon City n’avait pas été construite en hauteur, le climat très venteux de la région et la faible densité de population avait permis l’établissement d’une ville ou les constructions les plus massives dépassaient rarement cinq ou six étages, il y avait beaucoup de petits immeubles et de maisons individuelles tantôt modestes et tantôt assez luxueuses, tels les grands chalets qui “trônaient” dans les quartiers les plus huppés de la ville.
Alors qu’elle déambulait dans les rues jusqu’ici sans voir beaucoup de monde, Kiani fut très étonnée en arrivant dans le centre ville de constater qu’un attroupement assez massif occupait la place centrale de la cité ainsi que les principales avenues attenantes. La population totale de Migon ne dépassait pas les cent mille habitants, et pourtant malgré le vent et les chutes de neige il devait y avoir près de trois ou quatre mille personnes en train de manifester contre l’administration locale. Kiani évita tout cette populace avec précaution repérant juste quelques slogans réclamant de meilleures conditions de travail pour les artistes et techniciens.
Les seuls aéronefs qu’on pouvait apercevoir par ci par là étaient des véhicules de la milice, ils surveillaient autant la manifestation qu’ils veillaient à empêcher tout autre hoover ou vaisseau de décoller.
Elle utilisait son mobiglass pour se repérer dans les nombreuses rues, annotant certains axes et notant mentalement beaucoup de détails exploitables, il lui fallu plus de deux heures pour s’estimer correctement au point sur la connaissance de son environnement. Alors elle s’approcha suffisamment du chalet de Zolan pour l’avoir en visuel, il était proche du centre ville, mais une haute clôture empêchait de pouvoir correctement observer autant la petite cour que la demeure en elle même. Après un rapide tour du quartier, elle se décida à entrer en contact avec la fameuse Léa via le module audio du mobiglass, celle-ci répondit vite.
– Léa Caristan, que puis-je pour vous ? demanda-t-elle d’une voix grave mais douce.
– J’appelle de la part d’amis communs, vous êtes seule ? répondit Kiani d’un ton strict.
– Oui vous pouvez parler sans détour, le ton était tout à fait amical, presque chaleureux ce qui ne manquait pas d’étonner quelque peu la blonde à bonnet.
– Je suis censée récupérer la clé mémoire d’un dispositif VASS, et vous êtes censée m’y aider.
– Je comprends, donnez moi un nom s’il vous plait, parmi ces fameux “amis”.
Après une courte pause elle répondit.
– Cole.
– D’accord, et votre nom à vous ? Car je ne reconnais pas votre voix.
– Cole…junior, d’une voix presque aussi laconique que le “senior” aurait pu avoir pour le coup.
 
Non mais vraiment, faire de moi sa fille, quelle idée de génie…
 
Kiani faisait les cent pas dans la rue, à chaque phrase un peu de buée s’échappait de sa bouche, elle restait toujours vigilante aux alentours et ne parlait pas fort. Après une petite pause, Léa reprit la conversation.
– Et bien c’est assez inattendu, vous êtes en ville là ? Vous n’avez pas eu de soucis avec la tempête ? Elle était visiblement soucieuse.
– Je suis dans le quartier, on a été obligé de se poser à l’extérieur mais ce n’est pas très loin, tout va bien en tout cas.
– Il est là aussi alors ?
– Il est resté dans le vaisseau, il m’attend. Je vous assure que tout va bien Léa, j’ai besoin que vous me donniez vos informations ou votre plan, Kiani commençait à s’impatienter.
– Oui bien sur, excusez moi mais je n’avais plus aucune nouvelle depuis plusieurs semaines alors je m’inquiétais. Monsieur Zolan est parti en fin de matinée avec ses deux gardes du corps, c’était apparemment pour une urgence, il devait aller chercher quelqu’un d’important en dehors de la ville. L’interdiction de voler était déjà en place alors il a été jusqu’a louer un véhicule tout terrain.
Kiani réfléchissait à pleine turbine.
– Et il n’est toujours pas rentré ? Il n’a pas dit ou il allait ? Qui il devait aller chercher ?
– Non il n’est pas rentré encore et il n’a rien dit de plus.
– Lea, dites moi qu’il n’a pas emporté VASS avec lui…
– Non, le jeu est resté ici, au même endroit que d’habitude dans son atelier.
– Très bien, nous n’avons pas de temps à perdre, pouvez vous me faire entrer ?
– Je suis navrée mais non, malheureusement monsieur Zolan est encore loin de me faire confiance, je n’ai pas le droit de faire entrer qui que ce soit ni de sortir de chez lui sans être suivie.
Kiani serrait les dents en l’écoutant.
– Mais ce type est un vrai malade !
– Oui il est complètement parano et ça ne s’est pas arrangé ces derniers jours. Ecoutez je pense pouvoir parvenir à prendre le dispositif sans me faire repérer. Si j’y arrive on pourrait essayer de se retrouver dehors quelque part non ?
– Vous venez de dire que vous ne pouvez pas sortir sans être suivie.
– En effet mais je… peux essayer de m’en débarrasser ! Elle semblait déterminée à agir. Kiani était bien plus circonspecte.
– Et sa fille, vous n’êtes pas censée la garder ?
– Elle est à l’école. Avec la météo et la manifestation, le directeur a décidé de garder tout le monde à l’abris jusqu’a que la tempête soit passée donc j’ai du temps !
Léa sembla tilter à cet instant.
– Oui ! Oui la manifestation, je devrais pouvoir le semer dans la foule !
– Il n’y a qu’une seule personne qui vous suit ?
– Oui une seule, les deux autres gardes sont affectés à la surveillance du chalet et de l’épouse de monsieur Zolan, dit-elle enthousiaste et motivée.
– Bien alors dites moi quand, mais soyez consciente que vous allez vous attirer des ennuis.
– Dans une heure, je vous rappelle une fois sur la grand place. Peu importe les ennuis miss Cole Junior, je me débrouillerai, l’important c’est que vous réussissiez !
 
Une écervelée, il ne manquait plus que ça !
 
Une heure plus tard… “Mairie honte à toi, tu n’respectes pas la loi… Gamesson reddition, tu dois pourrir en prison !”
 
Le slogan se répétait sans cesse au porte voix, répété en choeur par une large foule d’habitants, des jeunes pour la plupart. Le temps s’était sensiblement amélioré et si le vent soufflait toujours assez fort les chute de neige elles, connaissaient un répit. Ceci avait eu pour principal effet de drainer encore un peu plus de monde dans le centre ville, et les esprits paraissaient vraiment bien échauffés, une partie des manifestants commençant à s’en prendre verbalement aux regroupements de miliciens disséminés qui quadrillaient au mieux la place et ses abords.
 
Tout ceci ne respire pas l’intelligence, cedi dit d’une manière générale les attroupements ne sont guère révélateurs de la finesse de pensée de l’homme. Le concept d’intelligence de masse ou d’esprit de ruche est tout à fait étranger à notre race. Il parait que les guêpes ou les fourmis sont d’autant plus évoluées qu’elles sont nombreuses dans un même espace, chez nous c’est inversement proportionnel.
 
Mes condoléances les plus sournoises aux supporters de Sataball !
 
Kiani évoluait en maugréant aux abords de la manifestation, essayant d’un coté de ne pas se retrouver parmi les plus décérébrés, et d’un autre coté elle devait éviter de paraître étrangère au mouvement. Elle composait comme elle pouvait, attendant avec une vive impatience des nouvelles de Léa.
 
La libération arriva trois minutes plus tard quand son mobiglass lui indiqua un appel, elle se boucha une oreille et joua du coude afin d’être tranquille pour entendre.
– Tu es ou ? Elle parlait fort cette fois, seul moyen de se faire entendre dans la cohue, visiblement son interlocutrice était dans la même situation.
– En plein milieu !! J’ai réussi à le semer, si tu te rapproches de l’avenue Coriolis tu devrais voir un homme particulièrement grand en blouson blanc scruter la foule à ma recherche.
Kiani installa son écouteur et se dirigea hâtivement dans la mêlée vers la dite avenue, elle repéra aisément le fameux gus qui était tout sauf discret.
– D’accord je le vois, et maintenant ?
– Trace mentalement un trait de l’avenue jusqu’au portail de l’hôtel de ville !
Kiani réfléchit quelques secondes, rapidement “encouragée” par Léa…
– Ca y est ?
– Oui oui minute, figure toi que je n’avais pas prévu de passer ma journée à tracer des traits mentaux au milieu d’une foule d’attardés juvéniles ! Ronchonna-t-elle.
– Je suis à une cinquantaine de mètres du portail, pas très loin du speaker ! Renchérit Léa.
Kiani se désintéressa du gus en blanc pour avancer vaguement à contre sens, les manifestants s’agitaient vraiment de manière de plus en préoccupante.
– J’arrive, mais tu ressembles à quoi ??
– Euh, et bien je… Une grande rousse avec un blouson blanc “Original system”, comme l’autre qui me suit en fait, et toi ?
Kiani s’observa très rapidement et grimaça, irritée.
– Imagine le grand chaperon rouge !
Léa ne put s’empêcher de rire…
– T’es vraiment bête toi !
 
La blonde ne savait pas si elle avait envie de rire ou de taper la rouquine. En tout cas, elle venait de la repérer et se dirigeait vers elle toujours en jouant des coudes, mettant fin à l’appel et brayant…
– LAAA ! LAAA !
La rousse étant grande effet, sensiblement de la même taille et corpulence que la blonde, peut être légèrement plus épaisse. Elle était jeune aussi et son visage restait souriant et ouvert malgré le chaos ambiant. Les deux jeunes femmes se rejoignirent dans le tumulte, Léa attrapant Kiani par le bras de manière tout à fait protectrice et lui parlant à l’oreille.
– J’ai pris le dispositif au complet…
– Je n’ai besoin que de la clé mémoire, tu as le machin sur toi ?
– Oui ! dit-elle en le sortant de sa poche. Kiani le prit et se hâta d’extraire la clé…
 
A ce moment précis, plusieurs détonations d’armes retentirent sur la place, déclenchant une impressionnante panique.
En une fraction de seconde Léa saisit Kiani fermement et la plaqua au sol face contre terre, venant placer son propre corps en protection et tenant la tête de la blonde baissée.
Celle-ci resta tétanisée, probablement plus choquée par le réflexe de Léa que par les tirs eux même, son coeur battait la chamade.
Tout autour les gens bougeaient en tout sens, elles se faisaient presque piétiner.
– Tu vas bien ? demanda la jeune rousse.
– Oui…. oui ça va, dit-elle toujours pantoise.
– Tu as récupéré la clé ?
-….Je devrai pouvoir rapidement le faire si tu me laisse bouger !!!
– Oui bien sur !
Léa se releva et tira vivement Kiani du sol, l’entourant de ses bras et la protégeant de la foule autant que des balles potentielles, mais il n’y avait plus de tirs pour le moment, juste les mouvements chaotiques de la foule devenue incontrôlable. Cole junior s’était faite mal au pouce en tombant mais ce n’était pas le moment de chouiner, elle serra juste les dents tout en ouvrant le dispositif, le coinça sous son bras et retira son gant, puis sorti la petite clé mémoire et la glissa dans sa poche arrière.
– C’est bon ! dit-elle en rendant le dispositif à Léa qui eut tôt fait de le ranger à son tour.
– Il faut sortir d’ici, poursuivit-elle en guidant Kiani à tâtons dans la foule en panique, toujours extrêmement protectrice. Celle ci était toujours bluffée de son attitude. Même si les tirs ne leur étaient pas destinés manifestement, voir ainsi quelqu’un spontanément risquer sa vie pour elle était quelque chose qu’elle n’arrivait pas à intégrer. Elle avait toujours appris à penser à elle avant toute chose, ce type de réflexe purement altruiste lui était fondamentalement opposé.
Toujours guidée, elle finit par secouer la tête pour se concentrer car ce n’était vraiment pas le moment de philosopher.
– Ca va Léa je peux me débrouiller !! dit-elle en se débattant un peu, s’extirpant de la protection rousse qui ne s’entêta pas mais ne la quitta pas pour autant des yeux, restant à proximité dans leur progression.
 
Partout ça s’agitaient, visiblement les tirs étaient venus d’un toit, ce n’était pas une échauffourée entre manifestants et forces de l’ordre mais plus une tentative d’attentat ou d’assassinat. Une partie des forces de la milice, les aéronefs surtout, traquait le tireur alors que les hommes au sol semblaient très affairés à essayer de canaliser la foule ou à veiller au mieux à la sécurité des manifestants.
Tout à coup Kiani se bloqua net dans son avancée, retenant aussi Léa, elle venait de repérer une sérieuse complication, l’indiquant vite à la rouquine.
– Zut attends, ce n’est pas bon du tout !
Au beau milieu de l’avenue Coriolis ou couraient maintenant pas mal de gens en panique, il n’y avait plus seulement un homme en blouson blanc mais trois, trois plus une quatrième personne nettement plus menaçante aux yeux de Kiani, c’était Stone.
Et Stone l’avait repéré instantanément aussi dans la foule. Il donnait des instructions rapides aux gorilles de Zolan.
– Ce type est cinglé Léa, c’est un tueur à gage il…. Je ne sais pas ce qu’il fout là !
– Je l’ai déjà vu au chalet, il disait travailler pour l’advocacy je crois !
Kiani écarquilla les yeux.
– Il faut trouver une autre sortie !!
Les deux jeunes femmes s’élancèrent dans une autre direction alors que leurs quatre poursuivant se séparaient pour tenter de les encercler, eux aussi se lançaient dans la masse à leur poursuite.
– Tu es armée ? demanda Léa
– Non !
– J’ai un pistolet si tu veux ! Prends le je peux les ralentir !
– Non… et Non ! On reste ensembles.
– Ok !
 
Vu d’en haut, on voyait des mouvements en tous sens alors que par la force des choses la foule se dispersait petit à petit. On distinguait également deux femmes s’évertuant à échapper à leurs poursuivants qui parvenaient petit à petit à leur bloquer habilement toute retraite, ils se rapprochaient inexorablement. Stone fut visible à deux ou trois reprises au gré des mouvements, il tenait une arme en main et Kiani était certaine qu’il s’en servirait sans hésiter à la première occasion.
– On ne leur échappera pas, il va falloir au moins en affronter un !!! s’exclama Léa.
– Non ! Kiani s’arrêta, scrutant les alentours quelques secondes puis brusquement elle tira sa partenaire de fortune dans une direction. Elle allait vers une patrouille de la milice.
– Léa… Bats toi avec moi !!
– Quoi ???!
Il n’y eut pas de réponse car la blonde se jeta littéralement sur la rousse en lui arrachant la tignasse et en l’attirant dans une rixe sauvage. L’autre fit ce qu’elle put, résistant plus qu’attaquant. Kiani hurlait.
– JE VAIS TE MASSACRER ESPECE DE CHIENNE !!!
La blonde parvint à déséquilibrer la rousse et à se vautrer au sol avec elle, leur corps à corps ne dura pas longtemps. Stone et ses sbires arrivaient mais les miliciens furent plus rapides à les séparer. Même rapidement maitrisée par un homme, Kiani continuait à hurler et rager, imitée finalement par Léa qui soit avait comprit le plan surprise soit avait fini par s’énerver aussi !
Les miliciens n’eurent pas d’autre choix que d’emmener les deux furieuses dans leur véhicule et de les y attacher, au grand dam de Stone qui restait à une vingtaine de mètres, raide et immobile dans la foule en dispersion. Il fixait la blonde au bonnet rouge à la vitre.
Celle-ci échangea un long regard de défi avec lui alors que le véhicule se mit en route pour conduire les deux femmes au poste de la milice.
 
Advocacy, tueur à gage, castra gominé… Qui es tu espèce de malade ?
Peu importe à vrai dire, je ne me laisserai pas faire, tu ne m’auras pas.

 
Un peu plus tard…
 
Les deux jeunes femmes s’étaient rapidement calmée dans le véhicule, et leur bagarre spontanée aurait pu avoir été une initiative totalement payante si les miliciens n’avaient pas pris soin de les fouiller et de découvrir le dispositif VASS qui était répertorié comme matériel de contrebande prioritaire. Au lieu de simples réprimandes qui leur aurait couté une petite heure et quelques plates excuses, elles se retrouvaient toutes deux dans une situation compliquée. Elles avaient été conduite expressément au poste principal de la milice de Migon City, placées temporairement dans ce que les miliciens appelaient la cellule transitoire, une sorte de grande cage commune regroupant les délinquants mineurs ou non dangereux en attente d’un placement plus précis.
Et Inutile de dire qu’avec la manifestation, la tempête et la tentative d’attentat… Le poste était en ébullition et la cellule transitoire surchargée.
Au moins Kiani n’avait pas été suffisamment fouillée pour qu’on trouve sur elle la clé mémoire. Elle l’avait depuis sorti discrètement de sa poche pour la glisser dans sa bouche, sous la langue. Une technique qu’elle avait apprit durant sa formation dans la secte. Par contre elle tenait sa main blessée en permanence, le chahut n’avait vraiment pas fait du bien à son pouce fracturé. Elle était légèrement pâlotte et en sueur.
Ce fut Léa qui prit la parole la première, parlant doucement, proche de la blonde.
– C’est moi qui t’ais fais ça ? Je suis désolée.
– Non ce n’est pas toi, j’étais déjà blessée. Dit-elle en la regardant étrangement.
– Tu as surement de la fièvre, tu devrais t’assoir un peu.
Kiani hocha la tête et se trouva une place sur un banc, imitée par sa partenaire.
– Surtout ne t’inquiète pas, je vais leur dire que tu n’as strictement rien à voir avec VASS, que je ne te connais pas et que l’on s’est juste bagarrées pour une raison stupide dans la cohue ambiante, poursuivi Léa en affichant un regard aussi généreux que déterminé. Cole junior se sentait mal à l’aise en l’écoutant et en croisant son regard.
– Pourquoi tu fais tout ça pour moi ? Tu ne me connais même pas.
– Je le fais pour mes amis autant que pour toi, tu es une battante…tu ressembles à ton père.
Kiani resta sidérée, en proie à des émotions contradictoires. Elle était incapable de répondre quoique ce soit, elle était touchée.
Leur courte entrevue fut interrompue par un officier de la milice qui les interpella.
– Madame Cole ainsi que madame Caristan, veuillez approcher de la grille.
Léa s’avança la première, digne. Elle fut vite imitée par Kiani qui restait légèrement en retrait.
L’officier poursuivit et interrogea.
– Madame Caristan, mes hommes ont trouvé sur vous du matériel informatique interdit. Est ce que ce matériel vous appartient ?
– Oui monsieur il m’appartient, répondit-elle.
– Est ce que vous connaissez cette femme a vos cotés madame ? Il enchainait.
– Non monsieur, je ne la connais pas.
– Votre dispute était-elle liée au matériel de contrebande ?
– Absolument pas monsieur, je crois que nous nous sommes juste laissées emporter dans la panique générale, c’est moi qui l’ai agressé.
L’officier n’était pas totalement dupe manifestement, mais il sembla respecter les paroles de Léa, il demanda simplement à l’intention de Kiani.
– Madame Cole, avez vous quelque chose à ajouter aux déclarations de madame Caristan ?
Elle sentit son coeur se nouer, une sensation qu’elle ne connaissait guère.
– Non monsieur, je me suis juste laissée emporter, dit-elle en gardant un visage de marbre grâce à cette faculté durement acquise de cacher ses émotions.
Rapidement, l’officier ordonna à deux de ses hommes de sortir Léa de la cellule transitoire pour la faire incarcérer en attente d’un procès. Kiani resta à la regarder se faire emmener, une main nerveusement agrippée aux barreaux, elle aurait voulu lui hurler sa frustration mais elle ne pouvait rien dire. Elle marmonna juste, du bout des lèvres en la fixant.
– Désolée Léa, je reviendrai te chercher… Je te le promets. Celle ci lui renvoya un regard si confiant que cela arracha une petite larme à la jeune blonde. Elle ferma les yeux de longues secondes, peut être même quelques minutes, front posé contre les barreaux.
 
Je ne mérite pas ça, je n’ai jamais mérité un tel geste. Elle est stupide, elle aurait mille fois mieux fait de m’incriminer, de me prendre cette foutue clé et de rejoindre Cole à ma place. Elle aurait MILLE fois mieux fait de faire ça ! Et moi je l’ai laissé faire…
 
Le coeur serré, elle ressentait des sentiments qu’elle maitrisait très mal. Elle n’était même pas capable de les nommer à l’instant même. Elle finit tout de même par ouvrir les yeux, et ce qu’elle vit fit monter en elle un autre sentiment, qu’elle connaissait bien mieux, une colère froide et impitoyable, là elle avait envie de tuer.
Devant elle, à une dizaine de mètres au beau milieu de la salle principale du poste de milice, attendait imperturbablement Stone, un café à la main. Il la fixait, il n’avait pas perdu de temps et ne semblait guère soucieux de l’environnement. Elle aurait presque pu croire qu’il allait sortir son arme pour la tuer ici.
La jeune femme prit une longue inspiration, le regard bouillonnant dans des yeux encore embués. Elle n’allait pas encore avoir le loisir de philosopher.
Un milicien vint rapidement s’enquérir auprès de Stone, Kiani ne pouvait pas entendre ce qui se disait mais elle le vit clairement montrer à l’agent un insigne qui fit presque pâlir celui-ci. Cet enfoiré avait vraiment le bras long, ou alors était-il davantage qu’un tueur à gage ? Elle ne pouvait pas le croire, il avait eu le même genre d’entrainement et de conditionnement qu’elle, tout le montrait, le moindre détail.
Encore une fois, elle n’aurait aucune réponse maintenant. La situation se compliquait encore si tant est ce que ce soit possible. Le milicien se dirigea vite vers un officier pour lui exposer ce qui s’apparentait à des consignes. Stone finit son café patiemment, presque sans la lâcher du regard, il jubilait.
Puis deux hommes en uniforme furent envoyés par l’officier pour aller chercher Kiani Cole et la remettre au représentant de l’advocacy.
– Madame Cole, veuillez sortir de la cellule transitoire.
Elle frissonna, inspira, puis avança. Les deux hommes la prirent par les bras avant de l’escorter jusqu’à lui. L’esprit de Kiani carburait en tout sens.
 
Trouve quelque chose, trouve quelque chose…N’importe quoi…Oh j’me sens pas bien, j’me sens pas bien…
 
J’me sens pas bien ?
 
Et d’un coup d’un seul, à quelques mètres de Stone, la blonde fut prise d’intenses convulsions. Le corps tremblant et agité de spasmes, elle s’écroula. Les deux miliciens la soutinrent tant bien que mal mais l’un d’eux réalisa vite la crise de la jeune femme et s’écria…
– Merde, elle a besoin de soins. HEY, lieutenant cette femme a besoin de soins immédiats !!!
– Et bien qu’est ce que vous attendez, emmenez là à l’infirmerie de suite, on a déjà assez de bordel comme ça ! répondit le lieutenant.
Le poste était toujours surchargé et au milieu du tumulte les deux miliciens s’efforcèrent de porter Kiani jusqu’a l’infirmerie sans prendre le temps de se justifier auprès de Stone. De toute façon celui ci ne pouvait pour le moment que suivre les évènements. Il restait d’ailleurs imperturbable et on pouvait lire sur son visage un brin d’irritation légitime, même si il savait qu’elle ne faisait que gagner un peu de temps. Il suivit tranquillement dans les couloirs.
Le poste de milice n’était pas un hôpital ni une clinique mais il disposait tout de même d’un petit service d’urgence tout à fait apte à traiter ce genre de cas dans la précipitation. En l’occurrence le service était au diapason et miss Cole fut prise en charge à la hâte, les miliciens recevant la consigne de la placer dans une chambre et sur un lit alors qu’un infirmier préparait une injection pour calmer ce qui s’apparentait à une crise d’épilepsie peut-être due à l’accumulation de fatigue et de stress.
Stone n’avait pas été autorisé à entrer dans la petite chambre de soins mais il restait collé à la porte, et un milicien sur les deux resta à attendre avec lui, visiblement soucieux de l’état de santé de la jeune femme.
 
Une fois seule avec l’infirmier, Kiani commença à calmer ses convulsions d’elle même, s’efforçant juste de ne pas le faire trop brusquement, elle était douée pour la comédie, et avait apprit à imiter fort bien ce genre de crise, cela venait de lui donner un répit.
L’infirmier l’observait, lui tenant un bras et lui posant une main sur le front.
– Mademoiselle, mademoiselle essayez de respirer calmement, concentrez vous sur ma voix et sur votre respiration !
Elle écoutait et appliquait les consignes, lui offrant son plus touchant regard de jeune femme en détresse, le pauvre homme était sous le charme et la regardait se calmer d’elle même. Il n’aurait pas a lui faire d’injection.
– Oh ooooh, s’écria-t-elle totalement haletante. Ou suis-je ? Je ne me sens pas bien… Je ne comprends pas ce qui m’arrive !
– Rassurez vous mademoiselle, vous êtes dans un service de soin d’urgence, vous êtes en sécurité et vous avez l’air de vous en sortir parfaitement toute seule.
Elle ne le quitta pas des yeux, le regardant tel un sauveur et buvant ses paroles.
– D’accord…. d’accord…oh merci…d’accord.
– Vous avez surement un peu de fièvre, et vous avez été malmenée.
Elle hocha frénétiquement la tête.
– Est ce que je pourrais avoir un verre d’eau ?
– Je vais vous trouver ça mademoiselle ! Il lui adressa un sourire bienveillant avant de se détourner pour aller à l’autre bout de la pièce remplir un grand gobelet.
 
Kiani arrêta toute comédie dès l’instant qu’il détourna le regard, et elle mit tout ses sens en éveils. Elle perçut des voix dans le couloir, des bruits d’appareils de médecine et pas mal d’agitation. Dans la chambre elle même, elle vit un petit bureau bourré de paperasse et de boites de médicaments vides, deux larges armoires, et un lavabo ou se tenait l’infirmier. Elle entendait aussi le bruit soutenu du vent, et de la neige qui frappait sur la vitre, la tempête devait avoir reprit en vigueur. Son regard se fixa un instant sur cette fenêtre.
Quelques instants passèrent et l’infirmier sursauta brusquement, renversant son gobelet quand le vent s’engouffra dans la chambre, charriant une bonne bouffée de flocons épais. Il se précipita pour aller refermer la fenêtre, ne réalisant qu’en se tournant ensuite vers le lit que celui-ci était vide. Il regarda alors dehors, choqué.
La jeune patiente achevait d’escalader la gouttière pour arriver dans la rue en contrebas.
Il se rua alors jusqu’à la porte, l’ouvrit et s’écria à Stone ainsi qu’au milicien.
– Elle s’est échappée !
Stone n’avait pas attendu la fin de la phrase pour traverser la pièce, rouvrir la fenêtre et se lancer une fois encore à la poursuite de Kiani Cole.
 
Dans les rues de Migon City, la tempête avait reprit du poil de la bête et redoublait d’intensité, obstruant sérieusement la visibilité. Il n’y avait pas beaucoup de monde dans les rues, quelques passants qui se hâtaient de rentrer chez eux et des marchands qui fermaient leur échoppe en cette fin d’après midi mouvementée.
 
Pas trop vite, pas d’à coups, pas d’arrêt brusque, le sol est glissant.
 
Elle courrait à travers les rues de sa foulée légère et experte, plus de mobiglass pour s’orienter car les miliciens lui avait retiré, mais elle se souvenait correctement du nom des rues principales qui menaient au pont le plus proche du parc ou était stationné l’Heraldess, c’était son seul objectif. A un détour elle tourna le regard derrière, pas de Stone en vue, il avait déjà du comprendre qu’il ne la rattraperait pas à la course mais ce n’était pas bon signe qu’il renonce si vite malgré tout.
 
Une ligne droite, un peu plus vite.
 
Le visage piqué par le froid et le vent, elle s’efforçait de maitriser son rythme en fonction de son souffle, elle devait tenir sur plusieurs kilomètres, hors de question de s’essouffler. Stone l’avait trouvé sans mal sur la place, et il n’avait pas insisté pour la poursuivre à pieds. Il devait pouvoir suivre sa position, la clé mémoire… Il pouvait aussi la localiser, c’était logique. Il savait ou elle était, il allait anticiper pour la coinc….
 
Un véhicule terrestre émergea alors brusquement de la tempête fonçant droit sur elle alors qu’elle traversait une avenue. Trop tard pour esquiver elle tenta de sauter, prenant le choc de coté et roulant sur le pare brise avant de retomber de l’autre coté dans une chute à peu près maitrisée. Après une roulade sur le sol elle repartit, ayant bien absorbé l’impact.
 
Enfoiré !
 
Elle reprit sa course et vit le véhicule freiner, déraper et heurter une autre voiture stationnée. C’était bien Stone à l’intérieur et le choc n’avait pas été assez violent pour qu’il ne puisse pas repartir. Kiani était proche du fleuve mais elle savait qu’elle ne pourrait jamais espérer traverser le pont avec un véhicule à ses trousses. Elle couru malgré tout vers la berge, réfléchissant intensément.
 
Quelle température fait-il ici ? Assez froid pour que le fleuve soit gelé c’est certain mais encore faut-il qu’il ait fait assez froid assez longtemps pour que la glace ait pris et soit assez solide… En passant le pont tout à l’heure, j’ai cru voir que le fleuve était gelé… Non, je l’ai vu gelé, c’est ma seule chance.
 
Arrivée à proximité de la berge, plutôt que de tourner vers le pont elle s’orienta vers l’autre direction, essayant d’évaluer approximativement l’endroit le plus proche en ligne droite du parc et de Cole. Le bruit du véhicule se rapprochait, elle le vit encore surgir dans une bourrasque de neige, elle n’avait plus le temps de tergiverser, elle s’agrippa à la première échelle, descendant sur la berge. Le véhicule stoppa et Stone en sortit, arme au poing pour se précipiter et la braquer mais elle arrivait au bout, à une autre échelle. Elle descendit jusqu’au fleuve, Stone n’eut pas le temps de l’ajuster cependant il comprit son plan. Il retourna vite à son véhicule et fonça vers le pont avec un seul objectif, traverser avant elle et lui couper la retraite sur l’autre rive !
 
La couche de glace était bien là, mais elle était fine, peut être trop. Qu’importe elle ne pouvait plus reculer ni perdre une seconde à hésiter, sa meilleure chance pour traverser serait d’adopter une foulée rapide et légère tout au long du kilomètre qui séparait les deux rives. La jeune femme se lança dans la traversée, plusieurs fois elle senti la glace craqueler sous ses pas mais cela ne faisait que renforcer sa détermination à ne pas s’arrêter. Elle se concentra à maintenir une belle allure régulière ainsi que son souffle Alors elle vit l’autre rive se dessiner en face, alors elle savait qu’elle y arriverait…
 
Elle acheva son périple à travers le parc, bondissant jusqu’au Herald et tambourinant à la porte.
– Cole !!! OUVRE VITE !! Cole il faut décamper !
Celui-ci avait déjà préparé le décollage, il avait suivi Kiani grâce au traçage de la clé. Il démarra les moteurs et ouvrit la porte en s’écriant.
– C’est normal que tu sois…passée par le fleuve ? interrogea-t-il étonné.
Elle entra vite et referma derrière.
– Stone arrive, vite il faut partir ! Aller aller aller !!
Il ne se fit pas prier, tous deux eurent même le privilège d’observer le véhicule de Stone se garer dans le parc et celui-ci assister impuissant au décollage de l’Heraldess. Cette vision jubilatoire dura quelques courtes seconde avant de se perdre dans le tumulte des tourbillons de neige…
 
Alors que le vaisseau quittait l’atmosphère de Terra piloté de main de maître, Kiani eut juste la force et la présence d’esprit de sortir la clé mémoire de sa bouche, de l’essuyer et de la ranger dans le coffre. Puis elle se mit à trembloter, elle était réellement à bout de forces, autant physiques que mentales à cet instant. Elle retira son gilet et ses gants en grimaçant fort sur sa main blessée, s’agrippa un peu aux parois et alla s’affaler sur la couchette. Elle était à bout, elle sanglotait même un peu, le visage entre les mains, demandant simplement…
– Combien de temps à peu près avant la dernière clé ?
Cole se tourna juste une seconde pour la regarder avec beaucoup de compassion et d’admiration, il aurait vraiment voulu pouvoir prendre le temps d’être plus près d’elle à cet instant mais il devait tenir les commandes au moins jusqu’à la sortie du système.
– T’as le temps de te reposer promis, tiens le coup ma jolie !
 
Elle comptait bien tenir le coup, car en plus de son orgueil désormais elle le devait à quelqu’un, et c’était une première pour elle. Elle se laissa aller à ses pensées avant de sombrer dans un sommeil réparateur.
 
Aussi arrogant et irritant que ça puisse paraître socialement, j’ai toujours été convaincue que chaque être humain a une valeur calculable. Régulièrement et consciemment, je m’applique à observer et à attribuer des notes à des gens que je croise. J’avais mis un 6 sur 20 à Peter Gray par exemple. Stone, aussi abominable qu’il soit, vaut objectivement quelque chose comme 13 car les monstres sont intrigants. Cole mérite un bon 16 pour moi, je ne me souviens pas avoir attribué une note aussi haute un jour, il ne faut surtout pas lui dire !
Mais peu importe ces babillages d’adolescente…

 
Aujourd’hui au bord du sommeil je commence à remettre en question tout ça.
Peut-on vraiment donner une valeur quantifiable à un homme ? Peut-être à un instant T oui, mais sur la durée… Est ce qu’en une autre occasion par exemple cette Léa m’aurait autant marqué ? Ou aurais-je été aussi conquise par Cole et ses caleçons malodorants si je n’avais pas eu besoin de lui sur Rytif ?

 
…Et dire qu’avec tout ça, j’ai oublié d’acheter un pack de solar-7. Plus que deux délicieuses petites canettes et s’en sera fini de ma réserve énergétique vitale !
 
 

A suivre …

 


 
– Enregistrement E-VASS-LC01 –
Lecture en cours…
 Solar-7_07_caristan
Bonjour mademoiselle, je m’appelle Dieter Zolan, et je supervise la production du jeu sous la responsabilité du professeur Armitage. Vous postulez pour un poste de responsable de la sécurité mais malgré tout le professeur insiste pour que vous soyez considéré comme n’importe quel membre de l’équipe dite créative. Je vais donc vous soumettre dix questions. Cet entretien doit vous permettre de vous présenter à l’équipe, vous devez répondre avec la plus grande sincérité, vos réponses ne seront pas jugées, elles seront en revanche appréciées.
Commençons…
 
DZ: Quel est votre nom ?
LC: Léa Caristan
 
DZ: Que souhaitez vous dire sur votre passé ?
LC: Je suis d’origine terrienne, fille unique, j’ai grandis avec mes parents dans une petite ville près de New York. A ma majorité j’ai quitté la terre pour m’engager dans l’armée de l’UEE, j’ai suivi deux ans de formation pour devenir officier cadet mais je n’ai pas continué au delà de ma première affection sur Terra. On m’a convaincu de travailler dans le privé, dans le domaine de la sécurité néanmoins. J’ai suivi un stage de protection rapprochée ainsi que de contre espionnage industriel, et me voilà postulant pour ainsi dire pour décrocher un premier contrat.
 
DZ: Que souhaitez vous dire sur votre présent ?
LC: Certains diront penseront peut-être que je suis pistonnée, mais je suis venue postuler à la demande du professeur Armitage, c’est lui qui m’a proposé ce contrat. Il est vrai que je n’ai pas encore d’expérience mais j’ai travaillé dur pour acquérir les compétences nécessaires et j’ai vraiment hâte de m’y mettre.
 
DZ: Que souhaitez vous dire sur votre avenir ?
LC: Je ne sais pas vraiment, je dois… parler de mes projets ?
DZ: De ce que vous voulez mademoiselle Caristan, c’est une question ouverte.
LC: Bien, alors je vais simplement dire que j’ai pour habitude de voir la vie au jour de le jour alors je n’ai pour l’instant que des projets simples et à court terme. Je me concentre sur le présent !
 
DZ: Quelles sont vos compétences ?
LC: Logistique et ingénierie militaire, armes et armures légères, combat rapproché, techniques de protection et d’investigation, techniques de contre espionnage industriel. Ah et je ne sais pas si ça compte mais j’ai joué au Sataball une grande partie de mon cursus scolaire à un assez bon niveau, j’étais défenseuse.
 
DZ: Quelles sont les compétences que vous souhaiterez développer dans le cadre de votre travail pour Original System ?
LC: Et bien je ne pense pas avoir suffisamment d’expérience pour me disperser alors je souhaite avant tout me perfectionner dans mes domaines de compétences ayant trait à mon contrat. Je n’ai pas d’autre ambition pour le moment.
 
DZ: Quelles sont vos motivations pour nous rejoindre ?
LC: Je pense que j’ai déjà en grande partie répondu à cette question alors j’ajouterai juste que j’ai vraiment hâte de faire connaissance avec les membres de l’équipe car je vis un peu trop seule depuis que j’ai quitté l’UEE, ça me manque… des amis.
DZ: Nous sommes ici pour travailler vous savez.
LC: Oui, oui bien sur, hum… Bien sur.
 
DZ: Que souhaitez vous dire sur vos qualités ?
LC: Je suis facile à vivre, volontaire et altruiste. Et je suis digne de confiance, j’aime…aider.
 
DZ: Et que souhaitez vous dire de vos défauts ?
LC: Je manque un peu de confiance en moi et j’ai parfois eu du mal à m’imposer vis à vis de mes partenaires. Ah et je ne sais pas si ça compte mais m’arrive d’être un peu gaffeuse aussi, enfin ce n’est pas vraiment un défaut. Je sais que mon plus grand défi c’est de parvenir à m’imposer !
 
DZ: Que pensez vous de cet entretient ?
LC: Hum, c’est… ce n’est pas vous qui devriez…
DZ: Non, c’est votre opinion qui compte.
LC: J’ai du mal à parler de moi alors c’était un… Un bon exercice.
 


 
Ce Zolan a vraiment tout de l’abruti pédant. Lorsque l’on t’aura sorti de là Léa, je te promets que je t’apprendrai à répondre aux nuisibles de son espèce qui ont tendance à pulluler… Dès que la blatte stellaire est en état, je viens te chercher !
…Je me demande si ils accepteraient que l’on refourgue les deux jumelles pour obtenir ta libération, quelque chose comme un échange d’otages. Je vais sérieusement me pencher sur la question.
…Ah et cela n’a rien à voir mais j’ai décidé que je piloterai un Carrack, Cole a essayé de m’expliquer que je n’aurai pas les moyens de m’en payer un, ni les capacités pour en diriger un. Je l’ai très mal pris ! Je l’aime bien quand même ne vous emballez pas, mais quel manque d’ambition, tous les vieux manquent d’ambition…ou sont mégalomanes. Les vieux n’ont décidément pas le sens de la mesure.
 


 
 
Solar-7_Kian
Tous vos commentaires, vos critiques, vos questions sont bienvenues !
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