Alors que je m’installais sur le siège gris-olive et que j’attachais le harnais de plastacier malléable autour de ma poitrine, les dernières recommandations de mon père alors que je quittais la Horde Dorée, son bar, résonnèrent dans ma tête.

Personne n’a jamais fait sa vie dans l’espace sans l’regretter. Ce sont tous des va-t-en-guerre et des voleurs là-haut. Personne qui vaille la peine d’être connu. Donc quand tu auras eu ton content d’aventure, dépêche-toi de rentrer. Je garderai ta place derrière le bar bien au chaud pour quand tu auras gagné un peu de bon sens, Sorri.

Même lorsque j’essayais d’ajuster fermement le harnais – vous pourriez mettre deux personnes comme moi là en-dessous – je pouvais toujours entendre le ton dans la voix de mon père alors qu’il prononçait le mot “aventure”. C’était comme s’il avait mordu dans un crumble aux pommes et qu’il s’était rendu compte qu’il était bon à jeter.

En attendant le dernier passager, je tremblais et me frottais les bras, essayant de me réchauffer. Ils sont restés aussi froids que le compartiment à bière de la maison.

J’avais mis mon pull en laine préféré, celui que mon oncle Cab m’avait offert, mais même lui ne suffisait pas à empêcher le froid de me ronger jusqu’aux os. Le pull était de la couleur du soleil couchant, quelque chose qui me manquerait à coup sûr pendant mes voyages dans l’obscurité de l’espace comme livreuse pour les services de messagerie de FTL.

J’espère que le dernier passager vaut l’attente qu’il m’inflige.

Mais même le froid, les échos de mon père, ou l’attente du dernier passager ne pouvaient miner mon enthousiasme.

J’étais enfin dans l’espace !

Après toutes ces palabres avec mon père, l’économie de mes pourboires, les tests d’entrée, et les nuits passées sur des lits trop durs pendant mon entraînement au bureau de FTL ici sur Castra II – je l’avais finalement fait.

Je passai le bout de mes doigts le long de la fente séparant deux plaques dans le mur lisse. Le Solar jammer, un Caterpillar modifié pour le transport commercial, n’était pas tout à fait un Idris super-sexy mais, comme pour un premier baiser, ce n’était pas l’apparence qui comptait mais l’expérience en elle-même.

Je commençais à m’installer dans mon siège, quand je fut secouée par un souvenir. J’avais oublié que je voulais enregistrer tout ce que je pouvais de mon premier voyage, afin d’envoyer une vidéo à mon père pour qu’il sache que tout le monde n’est pas un voleur, et qu’on ne se retrouve pas au milieu d’un combat spatial “aussi simplement que si l’on se rendait au magasin”.

J’accrochai la caméra autonome aux sangles de mon sac à dos et vérifiai mon mobiGlas personnel afin de m’assurer qu’il enregistrait bien. Une fois fait, je le repoussai au fond de mon sac à dos. Les services de messagerie de FTL ne tolèrent pas vraiment que nous emmenions nos unités personnelles, mais ils n’aiment pas non plus que des programmes personnels tournent sur du matériel fourni par la compagnie. J’ai pensé que c’était un bon compromis.

Je consultais les messages de mon mobiGlas personnel quand le dernier passager arriva.

Il se jeta au-dessous du compartiment supérieur et me fît un sourire qui aurait fait la fierté du diable.

Il était bel homme, mais pas comme ceux qu’on voit sur les holovids. Il avait une cicatrice sur la lèvre faisant osciller son sourire entre la suffisance et le sarcasme.

Rien que par sa mise et son apparence j’en déduisis que c’était un homme d’affaires. Je déteste les hommes d’affaires. Ils se pointaient toujours au bar avec cette attitude de propriétaire des lieux. Comme s’ils étaient meilleurs que nous. C’était probablement un Citoyen, également.

Je décidai que c’était mieux ainsi. Le service de messagerie n’aime pas les discussions pendant le travail. Ça ne donne pas bonne impression aux clients potentiels et crée des risques au niveau de la sécurité.
Donc je retournai vérifier mon mobiGlass, confirmant mon transport et mon contact une fois que je serais arrivée sur Oya. J’avais sept jours pour transmettre les fichiers de mon mobiGlass à la WillsOp Corporation, mais j’ai pensé que le faire en un tiers du temps nécessaire pourrait laisser une bonne impression à mon employeur.

Ensuite le copilote à fait descendre un conteneur pour animaux vers le gentil monsieur derrière moi et l’a sanglé sur le siège.

De grands yeux bruns cerclés d’or regardaient fixement depuis l’intérieur de la cage.

Les mots sortirent de ma bouche avant même que je ne me rappelle que je n’était pas intéressée par la réponse : “Est-ce que c’est un lynx à queue rouge ?”

Le beau passager ajustait son harnais à sa longue silhouette lorsque je posai la question. Il leva les yeux, un sourcil arqué.

Bien, me suis-je dis, mon père me disait toujours que je ne pouvais pas garder la bouche fermée.

“J’en avais un quand j’étais enfant. Je n’aurais pas voulu faire une photo sans Sasha,” lui dis-je.

“Sasha ?” il demanda d’une voie mélodieuse. “Je suppose que c’est le nom du lynx ?”

Je lui ai répondu par un haussement d’épaule qui traduisait l’évidence.

“Éleveur d’animaux ?” lui demandai-je.

Il me regarda droit dans les yeux. Les siens étaient gris, tachés de vert. Des yeux qui en avaient vu, des choses.

“Et pourquoi ne supposeriez vous pas qu’il s’agît de mon animal de compagnie ?” demanda-t-il, un pli se formant au coin de sa bouche.

“Mes parents tiennent un bar au nord de Castra II. J’ai rencontré toutes sortes de gens, vraiment, et vous ne me semblez pas être le genre de mec fana de lynx à queue rouge. Ils sont trop énergiques et demandent de l’espace.”

Comme s’il savait qu’on parlait de lui, le lynx poussa son visage poilu contre les barreaux.

J’aurais voulu tendre le bras et frotter les petites touffes de poils grisâtres sortant de ses oreilles, mais le capitaine annonça que nous allions quitter la station pour le point de saut.

“Vous n’avez toujours pas répondu à ma question,” lançai-je.

L’homme eu un rapide rire d’incrédulité. “Vous êtes audacieuse. Vous savez, généralement les gens se présentent eux-mêmes avant de commencer à poser des questions. Je m’appelle Dario Oberon.”

Le Solar jammer fit une embardée alors qu’il quittait la station et je senti le changement de gravité provoqué par les systèmes du vaisseau.

“Je ne me suis jamais vraiment intéressée aux noms. J’ai peut-être trop de temps passé comme pilier de bar. La moitié des clients ne donnent jamais leurs vrais noms et l’autre moitié ne mérite par les leurs. Je suis Sorri Lyrax, si c’est important pour vous.

Il eut un sourire à vous en faire fondre le cœur.

“Sorri ? C’est votre vrai nom, ou bien un surnom ?” demanda-il avec une étincelle de malice dans l’œil.

“Les deux,” dis-je, haussant à demi une épaule. “Et la réponse ?”

Le Solar jammer s’inclina et se dirigea vers le point de saut, me compressant sur mon siège et Dario contre son harnais.

“Un cadeau.”

Il fît un clin d’œil.

“Pas pour une amie proche,” me suis-je dis. “Une affaire professionnelle ? Quelque chose pour graisser les rouages je dirais.”

Dario se pencha en avant, sourcils froncés, et se pinça les lèvres dans un semblant de réflexion. “Et pourquoi direriez-vous cela, Sorri Lyrax ?”

“Les animaux de compagnie sont de très mauvais cadeaux à offrir à une amie proche, et vous semblez trop intelligent pour commettre ce genre d’erreur de débutant. Pour ce qui est de l’affaire professionnelle, j’ai vu la façon dont vous avez secoué la main du copilote quand il a descendu le lynx. J’ai vu ce sourire et cette poignée de main un million de fois. Ma première hypothèse était que vous étiez un vendeur, mais votre avez une véritable assurance, vous ne vous contentez pas d’arborer un masque.”

Il hocha la tête en signe d’assentiment. “Tout cela en quelque minutes ?”

“Grandir comme je l’ai fait c’était un peu comme obtenir un diplôme de troisième cycle en comportement humain. Du moment que vous prêtiez suffisamment attention,” dis-je.

Une partie de moi criait intérieurement de la fermer, mais une autre partie aimait impressionner Dario. Mon père me laissait toujours en arrière-plan, laissant les clients parler. C’était agréable, pour une fois, d’être devant le comptoir.

“Et je devine, étant donné que vous voyagez sans bagages, que vous faites dans la propriété intellectuelle,” dis-je. “Vous travaillez probablement dans un domaine qui rapporte, comme la conception de vaisseaux ou un truc comme ça.”

Quand le scintillement dans ces grands yeux gris-vert devint froid et dure comme l’espace profond, je sus que j’en avait trop dit, mais ce regard s’évanouit aussi vite qu’il apparût. Le sourire reprit ce qui semblait être sa place habituelle sur ses lèvres.

Dario me montra ces dents. “Maintenant que nous somme en vitesse de croisière, voudriez vous caresser le lynx ? Elle est tout à fait docile.”

“J’adorerais,” dis-je, notant qu’il avait changé de sujet, mais je me rappelai à moi-même que j’étais en plein travail et que je ne voulais surtout pas avoir d’histoire.

Dario prit le lynx, faisant attention à ne pas libérer la créature. Le lynx enroula sa queue rouge autour de mon bras est colla son visage dans le creux de mon aisselle. J’aurais de la fourrure de lynx partout sur mon pull en laine avant d’arriver, mais je m’en fichais.

Peu après, avec le corps chaud du lynx sur mes genoux et la douce fourrure caressant mes doigts alors que je flattais son dos, je m’endormis, alors que l’excitation du début d’un voyage s’estompait.

Lorsque je me réveillai, Dario prenait le lynx de mes bras. À l’extérieur Solar jammer, la planète orange et bleue d’Oya III faisait son apparition. On pouvait voir une tempête de sable massive et cyclonique tourbillonner à travers la Grande Désolation sur le continent nord. On raconte que la tempête fait rage depuis les trois dernière décennies. Heureusement, j’atterrirais sur la partie verte du continent sud, dans la ville métropolitaine de New Alexandria.

Dario avait le nez sur son MobiGlass lorsque nous arrivâmes, je ne dérangeai donc pas. Je devais confirmer mon véhicule sur le sol de Oya III. J’avais fait une bonne affaire en signant comme passagère supplémentaire, mais je devais me dépêcher si je voulais atteindre la navette avant son départ. Voyager en classe super économique ne donne aucune garantie d’avoir un siège.

Le temps que je sorte du Solar jammer, Dario était parti devant, ce qui m’attrista un peu, étant donné la taille de l’UEE, je ne le reverrais probablement jamais.

L’odeur d’antiseptiques, les tuiles brillantes et incolores de la porte des douanes assaillirent mes sens déjà bien malmenés. Approchant la sécurité, en uniforme gris-vert, j’ajustai les sangles de mon sac à dos alors que je sortais mes papiers, y compris le badge de coursier pour FTL et me préparai à les remettre.

Après être passée à travers un système de scanner faisant un bourdonnement aigu que je distinguais à peine en dehors d’une vibration à l’arrière de mes dents, je donnai mon identification au garde aux larges épaules avec une expression de vague ennui.

Son mobiGlass s’illumina clairement et bipa, son expression passa de l’ennui à la contrariété puis s’aggrava. Sans que je ne puisse rien faire, il se rapprocha et me prit le bras, serrant assez fort pour y laisser un bleu.

“C’est une alarme de brèche dans la sécurité,” dit-il, sa colère clairement dirigée à mon encontre. “Vous venez avec moi.”

À suivre…

Traduit de l’anglais par Sitasan, relecture par Hotaru – Source : https://robertsspaceindustries.com/comm-link/spectrum-dispatch/13820-The-First-Run-Episode-One
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Traduction soumise à la licence CC By SA 3.0. Vous êtes libre de copier et réadapter ce texte en mentionnant les auteurs originaux, les traducteurs et la source. Merci !

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