Comprendre l’engouement communautaire autour du projet Star Citizen

Note de l’auteur : Cet article a été initialement publié sur le CitizenTVMag dans le cadre de la collaboration entre SC.fr et CitizenTV. Nous vous rappelons que vous pouvez consulter la version complète de ce magazine à cette adresse.

Je crois que ce mois-ci, et suite à mon expérience de la Pari’Verse, j’ai eu très envie de parler d’un sujet qui repousse les plus sceptiques, et les plus terre-à-terre des suivants de la sphère Star Citizen. Un sujet qui gagne souvent le mépris des plus désabusés et qui est aisément tourné en ridicule par les plus détracteurs. Avis ! Si tout ce qu’il y a d’humain autour de Star Citizen ne vous intéresse pas plus que ça, cet article n’est absolument pas fait pour vous, et je vais entièrement l’assumer.

La communauté. On vous rabâche les oreilles avec ces derniers temps, ne croyez-vous pas que c’est pour une bonne raison ? Alors oui, nous sommes peut-être une bande de geeks en manque d’attention qui se moussent mutuellement, mais j’ose croire qu’il faut dépasser cette considération cynique et s’introduire à elle pour comprendre qu’au-delà du projet en lui-même, s’est construite une communauté (vous allez lire ce mot un grand nombre de fois, faites-vous y !) formidable de personnes qui œuvrent aussi bien qu’elles le peuvent à un rassemblement.

Les origines

Demandez à un disciple de CIG, pardon, un donateur, de vous expliquer pourquoi il est si enthousiaste au sujet de Star Citizen, et il vous dira invariablement que la passion le submerge. L’on voit fleurir ces derniers temps et de manière prolifique, pour ceux qu’elle a noyé, un très grand nombre d’initiatives communautaires, de chaînes Youtube, Twitch, de projets ; le tout mené par des gens à qui CIG n’a rien demandé, et qui ne demandent rien en retour. Pourquoi ? Qu’est-ce qui peut amener une personne à tant se dévouer sur la base d’un projet inachevé ? Comment expliquer qu’autant de gens décident de dévouer une partie de leur temps libre à autant s’impliquer, même en sachant que l’aventure n’aura peut-être pas de dénouement ?

L’heure est aux idées noires, même si la CitizenCon a redonné un coup de boost ; temporaire s’il en est, car le spectaculaire ne soulage qu’un temps. La 3.0 se fait attendre, sans parler de Squadron 42, mais même avant celle-ci, les passions se déchaînent de tous les côtés, autant au sujet du projet, qu’au niveau de ce qu’il représente pour des milliers de gens. La communauté de Star Citizen serait “particulière” ? Mais en quel honneur, me demanderiez-vous ? Je pense qu’il faut situer ici ce qu’est le projet, son moteur, son but, pour ne serait-ce que comprendre les mécanismes de la communauté qui gravite autour.

Star Citizen voit le jour en 2012, jusqu’ici, rien de nouveau. Nous sommes en plein essor des initiatives de financements participatifs, avec des degrés de réussite variables. C’est, par ailleurs, une période où les méthodes de production vidéoludique traditionnelles sont extrêmements fortes (et elles le restent toujours) ; loin de l’idée de critiquer un fonctionnement qui, comme tout, comprends un équilibre de bon et de mauvais, je me dois de faire un parallèle entre la gestion communautaire qui les accompagne, et celle d’un projet en financement participatif. En effet, lorsqu’un jeu traditionnel voit le jour, au sens où il apparaît publiquement sur scène, dans les médias, il est pratiquement terminé. Sauf rares exceptions et légères différences, ils suivront le schéma classique, éprouvé, fonctionnel, qui leur assure une sortie conventionnelle. Une communauté se construira sous l’impulsion du studio, dans des lieux qui lui appartiennent, autour d’un jeu fini, ou presque. Ce déroulé enviable par bien des points échappe totalement aux jeux dits “indépendants”, dont le mode de financement participatif impose en partie ce que l’on appelle “l’accès anticipé”.

Resituons ce qu’est le financement participatif. Il consiste à proposer au grand public un projet, et à lui demander de le financer. Nous pourrions faire une comparaison extrêmement pertinente avec le principe de l’édition, car c’est ce que nous sommes tous à notre niveau, des éditeurs particuliers (et de particuliers éditeurs !). Un éditeur accepte un projet lorsqu’il pense, au regard de critères pragmatiques, d’études de marché et, parfois, de sensibilité à ce qu’il propose, qu’il sera viable. Nous échappons à cette règle, car notre seul désir, c’est de voir ce projet se concrétiser pour le seul bonheur d’en profiter. A ce titre, nous ne sommes pas un éditeur patient tant que sont respectées les deadlines, mais une foule inidentifiable de passionnés plus ou moins indulgents sur la durée que prendra la réalisation.

Chacun porte en lui ses attentes, mais reste conquis par ce que doit lui apporter la finalité de son engagement. Seulement, cet investissement précoce ne répond à aucune logique pragmatique, mais à une impulsion émotive, qui, si elle profite au projet initialement, correspond à une catégorie de gens moulés par le développement traditionnel, et qui finissent donc par, au minimum, demander des garanties. Chose parfaitement naturelle, les éditeurs ne demandent-ils pas la même chose pour être certains que leur argent est bien investi ?

Au final, qu’avons-nous ? Une foule de gens qui expérimentent les balbutiements d’un projet vidéoludique, auxquels on ne propose pas forcément un lieu communautaire adéquat. Mais la nature a horreur du vide, et sous l’impulsion générale, sont comblés les manques auxquels les petits studios indépendants ne peuvent pas faire face. Car nous sommes dans le cas d’un projet anglophone, la réception dans les pays outre-atlantiques, s’ils y pensent, est le cadet de leur soucis. Un qu’ils aimeraient sans doute résoudre, mais pour lequel ils ne disposent pas des moyens et de la logistique (attention, nous sommes toujours en 2012).

Au-delà de la particulière indépendance des communautés non-anglophones, sur laquelle je reviendrais plus tard, il faut donc considérer une bande de passionnés, n’ayant aucun jeu sur lesquels se construire, uniquement rassemblée par une idée, l’espoir d’une finalité. Pour Star Citizen, les années s’égrenant apportent des problématiques supplémentaires, puisqu’aucun projet indépendant n’a vu jusque là une telle attente.

Triste sectarisation

De là viennent les ennuis, car la croissance démesurée de Star Citizen, des polémiques faisant la part belle aux apparences, et un étirement excessif de ses dates le classant dans la catégorie des “Vaporware” (avec tout le négatif que cela implique, quand on oublie sa définition véritable) le mène, grâce à une longue période de diffamation non contrôlée, au projet sans suite, sans avenir, pour la partie la plus forte-en-gueule du grand public. Nous sommes en 2014-2015.

Cependant, les plus mordus, les plus passionnés, accrochés à ce rêve, tiennent bon. Il n’y a pourtant rien à défendre, ou si peu, et la bataille s’engage sur des suppositions, des croyances, des possibilités, peu de concret, sinon la terrible force des apparences (cf les “vaisseaux jpeg à 10.000 dollars”), et un procès d’intention qui ne se justifie que dans un désabusement montant. J’oserais dire que la création vidéoludique traditionnelle n’y est pas pour rien, elle qui a tellement industrialisé ce qui devait être un art, que c’en est devenu un simple fournisseur de produits de consommation de masse. Star Citizen voulait échapper à ces codes classiques, il a été rattrapé par l’opacité d’un monde où l’argent déclenche les méfiances, et où l’altruisme n’a plus sa place.

Et tout ces gens qui s’accrochent au rêve, là où on veut leur faire admettre qu’ils ont tort de croire en un projet perdu avant de se concrétiser, que deviennent-ils ? Des pigeons, des esclaves modernes du capitalisme, des fidèles aveugles et tellement obnubilés par ce qu’on leur fait miroiter, qu’ils en oublieraient leur bon sens, leur capacité à raisonner. C’est à cette période qu’ils n’eurent plus le droit de défendre leur rêve, car ils étaient trop proche de lui pour ne pas en être corrompus.

Et quand ceux qui savent le mieux ne peuvent plus parler de ce qu’ils connaissent, qui reste-t-il pour une publicité raisonnée ? Les détracteurs qui pensent eux aussi détenir une sainte véritée sur la vraie nature du projet ? Je ne vois rien d’autre qu’un cercle vicieux où seule l’ignorance semble être le prérequis nécessaire pour formuler un avis raisonné, et c’est de loin la chose la plus stupide qu’il m’a été donné de constater.

Nous l’avons compris, nous nous en accommodons, et en rions, nous sommes une secte d’aveugles illuminés. Mais par le saint Chris(t), quelle secte !

Sainte émulation

Sale comble à l’événement de la Pari’Verse

Nous sommes en 2017, et dans la communauté francophone. Pourquoi elle en particulier ? Parce que lorsque CIG lança l’aventure, il ne put proposer aux non-anglophones un espace “officiel” pour se former. Les communautés anglophobes émergèrent donc, indépendantes, et vécurent en parallèle de “RSI”, sans aucune émulation de la part du studio. Il fallut se construire seuls ; et ça n’est pas spécialement une mauvaise chose.

Ainsi, pour beaucoup, l’aventure humaine a pris le pas sur la finalité d’un projet qui s’étire. Simple repli de déni consolatif, certains diraient, mais pour tout ceux qui ont passé tant de temps à rencontrer sur les forums, dans les organisations, échanger, côtoyer, construire, c’est très certainement vrai. Evidemment, impossible de parler pour l’ensemble de la communauté, et s’il y a quelque chose de triste et regrettable, c’est bien cela. Il est compréhensible que certains n’attendent de Star Citizen que ce qu’il représente, et ne s’intéressent pas à la communauté autour d’elle ; à ceux-là, cet article n’est pas destiné. Bien que je l’aimerais.

Quant à ceux qui profitent de la liberté d’internet pour n’être qu’acide et fiel sur les communautés, parfois d’un style volontaire et assumé, je dis ceci : vous ne pouvez pas avoir conscience de l’émulation positive d’une communauté soudée, dans laquelle les membres échangent entre eux dans une bonne entente qui profite à tous, et je vous en plains.

Car cette bonne entente existe bel et bien. Sous l’impulsion des communautés, portées uniquement par le désir de bien faire, des dynamiques destinées à ouvrir Star Citizen au plus grand nombre se sont lentement formées. On y reprocherait un intérêt tout particulier à répandre une bonne parole destinées à agripper plus de nouveaux disciples dans nos serres contaminées, et franchement, que répondre à ça ? L’argument irréfutable est d’autant plus triste qu’il se base sur un procès d’intention auquel nous ne pouvons pas comparaître pour nous défendre. La confiance se construit, évidemment, mais là où elle devrait partir de rien, l’on constate souvent qu’elle est initialement négative. Ainsi, ces projets sont là pour engranger du pognon, faire-valoir, surfer sur une tendance,…. Mais quand bien même pas un centime ne va directement dans les poches ou produit un bénéfice, que la majorité des plus méritants reste dans l’ombre, et que beaucoup furent présents bien avant le succès, l’on persiste à attribuer des mauvaises intentions à tout ce qui semble trop “beau” pour être vrai. C’est la mort de l’altruiste passionné, car s’il ne récolte que de la haine ou de la méfiance de son engagement, il n’a aucune raison de le poursuivre.

Pourtant, une communauté gagne à ce que ses acteurs soient soutenus. Je parlerais d’expérience car sans ce soutien, beaucoup de Youtubeurs ne se seraient pas lancés, beaucoup de projets n’auraient pu voir le jour, aucun Bar Citizen n’aurait rencontré de franc succès. Et voir des fantômes de la communauté sortir de leur coquille, laisser de côté leur carapace, pour se lancer dans une aventure (Twitch, au hasard) parce que nombre de leurs nouveaux amis les poussent inlassablement à le faire, ça n’a pas de prix.

Une dynamique positive d’émulation mutuelle ne se lance pas toute seule. Nous en sommes tous responsables au travers des relations que nous avons avec nos connaissances virtuelles. Et quand vous les vivez à fond, elles ne restent jamais très longtemps épistolaires. Les IRL en sont un excellent exemple, plus que probant, où nombre d’individus qui ne se connaissaient auparavant qu’au travers d’un écran, finissent par se serrer la pince autour d’un verre ou pendant un événement.

Beaucoup font l’erreur de ne pas prendre au sérieux l’espace social que constitue une communauté en expansion. Internet apporte des libertés, des facilités d’échanges et de rencontres, et nous devrions pleinement en profiter positivement. Cette nouvelle prédominance de “l’aventure humaine” que constitue le projet Star Citizen est devenue une cible facile de railleries, ou une source d’arguments sectarisants, et rien n’est plus triste que de dénier à des milliers de personnes qu’un projet peut leur apporter plus qu’un produit à consommer.

Conclusion personnelle

Les Bar Citizen sont toujours bien fréquentés.

Vous ne me connaissez pas, ou à peine, mais je vais pourtant terminer par une brève mention de ce que j’ai vécu dans la communauté. Je n’écris pas cet article par complaisance, par commande ou pour défendre une énième fois un projet qui n’a pas besoin de moi pour ça, mais pour mettre en lumière cette nouvelle dynamique qui a émergé d’années de route commune, autour d’une simple passion. Voilà longtemps que j’oeuvre au plus près de la communauté, et qu’à ce titre j’en constate de visu les progrès. Je ne peux dénier certaines frictions, mais rien, cependant, qui ne soit plus aujourd’hui qu’histoires anciennes qu’il serait ridicule de remettre sur le tapis. La communauté est soudée. Les créateurs de contenu, les sites communautaires, les porteurs de projets, œuvrent en bonne entente, et pas un ne vous témoignera pas qu’il a autant reçu qu’apporté à force de fréquenter les nombreuses personnes formidables qui la compose.

Au risque d’être brièvement mièvre et peut-être inutilement émotionnel, voire carrément éveiller votre exaspération à la lecture d’autant de choses que vous ne pourrez jamais vérifier par vous-même (sauf au risque de vous lancer dans l’aventure, pour ceux pour lesquels ça ne serait pas encore le cas, mais ça ne tient certainement pas à moi), je peux le témoigner personnellement. L’aventure m’a énormément apporté en tant qu’individu, j’ai grandi avec elle, changé avec elle, ai rencontré des gens que je suis heureux d’appeler “mes amis”, et je suis plus que fier d’apporter ma modeste contribution bénévole à une communauté qui vaut la peine d’être vécue. Ce n’est pas la Pari’Verse qui le déniera, ce ne sont pas les années de rapprochements communautaires qui le dénieront, ce ne sont pas toutes les évolutions portées par tous ces passionnés qui le dénieront, et ce n’est sûrement pas la possibilité que le projet n’aboutisse jamais, qui le déniera.

Merci, donc, Star Pirates News (Snakem, Hawk, Cybninja, Jesfr, Yulgroch), la TradTeam (Silkinael, Kiro, Rubixor, Pimmie, Skyx, Tarkin, R2B, Roy, Lutenar, Lomelinde, The Tramp, Lubuwei, Yldensen, Arma, Bamowen, Fougère, Arzilia, Darro, Darnn, Caodus, Vince, Moebius, GuiGui, Shrapn3ls), CitizenTV (Fred, Aldenya, Kywan, Jess, Callen, Rya), BreizhCitizen (Surcouf, SIVE, Alphasticot), le Discord Star Citizen Francophone (Shidi, PsyOnic, UmaD), StarCitizen.fr (Super d, Kable, Insosama, USSmarines, Yatila, Aimame, Pradox, Hotaru, Lumelame, Soundy, PoGonzo, FrGhost), le Wikia Francophone (Aelanna, Misfit_Stellar), Aaron Kane, Daium, Derkomai, N7_Nyreen, Bauer, BOARD, Glinka, Hugo_Lisoir, Kmoz, Mylonite, Ocygan, Voya, David_Cooky, Ado_Power, SirBkOne, Thernos ; et tant d’autres que je n’ai pas la place de citer, ou que j’oublie horriblement (mes excuses les plus sincères), mais qui le méritent amplement.

.athl’ē’kol, mes amis.

La rédaction.

Leave a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *