Ce que vous vous apprêtez à lire est une œuvre de fiction purement amateure. Cette histoire ne s’inscrit donc pas dans le lore officiel publié par les auteurs de Star Citizen.

Bonne lecture !

  • La Rédaction

Pulsations – Épisode 4

“Le crépuscule du soleil noir”
Écrit par Hotaru, relu par Teliopp et PoGonZo

Lars Wakiza ouvrit les yeux. Les cadavres de stims flottaient dans l’air. Certains tourbillonnaient lentement, après avoir heurté une paroi. Des poches d’eau complètement à sec s’amassaient dans un recoin, comme un petit nuage d’emballages. Les hélices d’un petit ventilateur saccadaient dans un mouvement de va-et-vient régulier. Son cliquetis résonnait sèchement dans le cockpit et trouvait écho dans les vibrations presque organiques de la coque du navire.

L’air était froid et sec. La bouche pâteuse, Lars se réveilla comme après une longue gueule de bois, l’esprit encore engourdi. Un bras sur le torse et l’autre pendu dans le vide, il se ramassa pour s’asseoir correctement au fond de son siège trop petit. Il poussa un râle de mécontentement, et démarra les systèmes de son navire, qui le salua comme à l’accoutumée. L’intérieur du Rêve de Shana s’irradia de vert au réveil du vaisseau.

Progressivement, son esprit lui revint. Le navire à bord duquel il se trouvait était devenu son foyer depuis qu’il avait vendu tout ce qu’il possédait pour l’acheter. Initialement prévu comme point de départ d’une carrière dans la chasse à la prime, c’était pour lui le meilleur hommage qu’il pouvait rendre à son acolyte décédée quelques mois plus tôt lors d’une mission d’escorte. Son entrée dans la Guilde des Chasseurs de Primes était la consécration lui confirmant que cela avait été la bonne chose à faire. Depuis, contrebandiers, esclavagistes, producteurs de WiDoW, et autres crapules s’étaient succédés à l’intérieur des cellules de stase de son navire. Pourtant, il demeurait un vide au fond de lui qu’il ne parviendrait jamais à combler.

Il avait beau chercher Vincente Torres-Wojtowicz aux quatre coins de l’Empire entre deux contrats, l’homme qu’il tenait pour responsable de la mort de son amie était introuvable. Tout comme Antony Torres, son grand-père. Même les criminels les plus recherchés étaient moins durs à trouver. Mais comme ces deux individus n’avaient pas de prime sur leur tête, il était paradoxalement plus compliqué de les dénicher. En attendant, il fallait renflouer les caisses, payer le carburant et ravitailler les stocks de nourriture. Et pour ça, une seule solution.

« Hum… donne-moi la liste des contrats de chasse à la prime du secteur, lança-t-il à son ordinateur de bord. Et seulement ceux où le coût de dépense en carburant ne dépasse pas les dix pour cent de la prime. » Les écrans holographiques s’agitèrent sous ses yeux. Aucun résultat n’apparut. Lars passa à douze pourcent et relança la requête, pendant qu’il se délectait d’une poche de café chaud. Toujours pas de résultat.

« Bon… encore une journée productive en perspective » laissa-t-il échapper. Il retenta une heure plus tard avec un nouveau pourcentage : toujours rien. Une heure d’exercices physiques plus tard : rien. Il s’installa à nouveau au poste de pilotage, et pianota sur son mobiGlas en même temps qu’il naviguait sur les affichages multi-fonctions du vaisseau spatial. Le relai de communication le plus proche était en marche.

Lars lança un ping, et le comm-link répondit. Pourtant, le délai de réponse était dépassé de plusieurs secondes. Dix minutes plus tard, un message audio crypté apparut. Chimaera ? Le chasseur de prime reconnut la signature d’une infoagent de son réseau, et l’ouvrit aussitôt.

« Ici Chimaera. Quelque chose de louche se trame dans votre secteur, lui dirent un groupe de voix modifiées artificiellement. Un relais de communication semble avoir été détourné. Êtes-vous disponible ? » Un second message apparut, avec des indications pour répondre sur un canal sécurisé. Lars lança un diagnostic complet des systèmes électroniques de son vaisseau, avant de préparer sa réponse, qui mettrait plusieurs minutes à parvenir au relai de communication piraté. 

« Ici Lars Wakiza, je suis opé. C’est quoi le topo ?

— Parfait, répondirent les voix modifiées une demi-heure plus tard. Il semblerait qu’un programme malveillant ait été manuellement introduit dans le relais de communication, qui n’émet plus qu’un seul faisceau de données. J’ai contacté huit autre navires de chasseurs de primes dans un rayon de cinquante millions de kilomètres du point de réception de ces données. Attendez mes instructions

— Si le relais de communication n’émet rien d’autre que ce faisceau de données vers l’inconnu, comment as-tu fait pour nous trouver et nous contacter ? s’empressa l’homme de répondre avant d’attendre une demi-heure supplémentaire.

— Vous n’êtes évidemment pas le seul à avoir demandé une réponse automatique du relai, Monsieur Wakiza. Pour en revenir à notre affaire, il semblerait qu’un technicien de maintenance soit d’ores-et-déjà sur place. J’ignore encore s’il est à l’origine de la défaillance, mais si ce n’est pas le cas, une intervention musclée pourrait réduire ses chances de survie. Je vais moi-même superviser cette partie du problème. Pour le reste : l’un des chasseurs a établi un point de rendez-vous, je vous transmets les instructions.

— J’ai bien lu tes instructions, lança Lars lorsque cela fut son tour d’envoyer une réponse enregistrée. Donc pour résumer : on ne sait pas ce qui nous attend et encore moins ce que ça pourra nous coûter ou nous rapporter, tout en étant hors couverture réseau ? Tout ça parce que tu as été aveuglée sur un tout petit secteur de rien du tout ? On dirait bien que t’as fini par voir la vierge.

— Ces hommes et ces femmes ont besoin de vous autant que vous avez besoin d’eux, Monsieur Wakiza. Shanna ne disait-elle pas de ne jamais sous-estimer quelque menace que ce soit ? Si vous souhaitez faire l’autruche, faites-moi plaisir : renommez votre vaisseau “le Rêve d’un couard”. Terminé. »

Les dernières paroles de Chimaera résonnèrent avec une certaine amertume. Le message de la chasseuse de primes à la tête des opération affichait un décompte qui s’écoulait. Le temps estimé pour l’arrivée simultanée des autres vaisseaux mobilisés au point de rendez-vous était de trente-quatre minutes et cinquante secondes. Le temps nécessaire pour ensuite rejoindre “l’anomalie” était de douze minutes.

Le délai maximal auquel Lars pouvait se permettre d’effectuer le premier saut quantique passa. Les autres chasseurs se préparaient en ce moment-même à effectuer le saut groupé, et à faire face à une menace inconnue. Qui sait ce qu’ils allaient trouver là-bas ? 

Fait chier.

Il relut les consignes de l’opération une deuxième fois, avant de jeter sa poche de café dans un coin du cockpit. D’après les calculs de son ordinateur de bord, il faudrait à Lars un peu plus de quarante-huit minutes pour rejoindre le point de réception des données émises par le relais détourné. 

« Ça a intérêt à valoir le coup » grommela-t-il en activant son moteur de saut quantique. Un rapide check-up des systèmes, des munitions et du carburant ne lui signala aucune défaillance ayant pu survenir pendant sa sieste. Il paramétra ensuite son ordinateur de bord pour immédiatement attribuer les bons noms de code aux différents chasseurs de primes. Une alerte sonore indiqua que la calibration était terminée et que le saut pouvait être effectué. C’est parti.

La coque toute entière du vaisseau se déforma, vibra, hurla pendant la formation de la bulle de propulsion. Une fois l’allure de croisière atteinte, le chasseur à l’impressionnante carrure se détacha et se débarrassa de tous les détritus qui s’étaient accumulés dans le poste de pilotage. Il vérifia comme à son habitude les fixations de toutes les cellules de stase ainsi que le verrouillage des différents compartiments de rangement et autres racks d’armes. Celles-ci étaient toujours chargées et prêtes à l’emploi.

Huit minutes avant arrivée.

De retour aux commandes de son vaisseau, Lars était désormais affublé de son casque. Il ne lâchait pas des yeux l’interface utilisateur lui indiquant le temps de voyage restant avant son objectif. 

Deux minutes avant arrivée.

Tenant fermement les manches du navire, le blanc de ses articulations tranchait de plus en plus avec sa peau naturellement mate. Toujours aucun signe du rétablissement du relais de communication, ni de nouvelles de Chimaera. Un épais nuage de gaz spatial se forma au centre de l’affichage tête haute, pour progressivement envelopper toute la canopée.

Fin du compte à rebours. Le vortex qui enveloppait le Rêve de Shana disparut dans un soubresaut de lucioles bleues. Quelques brefs clignements d’yeux plus tard, des torrents de feu et d’éclairs serpentaient dans les abysses s’étendant de l’autre côté de la verrière. Fait chier !

« Black sun à Red sun, quelle est la situation ? lança le chasseur de primes sur le canal de communication crypté du groupe d’opération.

— C’est à cette heure-ci qu’on arrive, Black Sun ?! rétorqua une voix féminine légèrement couverte par des parasites. On se fait canarder depuis notre arrivée, on essuie déjà des pertes… par chance, leur vaisseau capital est immobilisé ! 

— Leur vaisseau capital ?! » s’étonna Lars. Il consulta l’écran des cibles alliées et ennemis, et constata avec amertume le déséquilibre qui jouait déjà en leur défaveur. Avant même qu’il ne prenne part au combat, le Violet sun et le White sun, respectivement nommés L’Océanite tempête et Die Rache des Kopfdgeldjägers, avaient été atomisés avec leurs occupants. L’un d’entre eux avait eu le temps de larguer un missile avant sa désintégration, emportant un Hornet ennemi avec lui.

Le retardataire prit rapidement connaissance des effectifs ennemis restants : un chasseur léger, deux chasseurs lourds, un transporteur de troupes, deux cargos surarmés et un porte-vaisseaux de classe Kraken. Étrangement, les tourelles de l’imposant navire demeuraient inactives, et son signal d’identification décrivait un transporteur de marchandises de classe Hull.

« Cible acquise, informa-t-il, Green sun, je fonce sur votre poursuivant.

— Bien reçu », répondit le pilote du chasseur lourd Suzumebachi qui se faisait talonner par un vaisseau pirate. Arrivé à 15 kilomètres de la première cible, Lars désenclencha la vitesse de croisière. L’inertie le rapprocha très rapidement de la zone de contact, aussi amorça-t-il une rotation avant de se caler sur la vitesse de sa cible. La manoeuvre le colla à son siège, qui grinça sous son poids. La poche de café qu’il avait consommée quelques minutes plus tôt s’écrasa contre une vitre du cockpit, libérant quelques bulles brunâtres au passage.

Mange ça !

Tous les canons énerétiques du Rêve de Shana déversèrent une pluie mortelle sur le chasseur pirate. Les voiles bleus de ses boucliers encaissèrent un temps les projectiles de plasma, mais lorsque la cible pivota d’un quart sur la droite pour s’enfuir, il était trop tard. Les canons balistiques se mirent en branle et déchiquetèrent la coque du navire ennemi sur toute sa longueur. Des flammes et des étincelles jaillirent des entrailles du Buccaneer pour aussitôt disparaître dans le vide sidéral. Le pilote tenta de s’évader, en vain. La manoeuvre évasive s’était déjà transformée en tangage perpétuel. Quelques secondes plus tard, une explosion bleu et or avala le chasseur léger dans un silence absolu, éparpillant ses morceaux dans le néant. Quelques débris se fracassèrent contre les boucliers et les coque du vaisseau de Lars.

« Merci Black Sun, attention à vos… » La communication s’interrompit brusquement. L’ailier du Rêve de Shana venait de disparaître à son tour. Le cargo pirate armé jusqu’aux dents l’avait abattu d’un missile savamment placé. Et il s’orienta dangereusement vers le chasseur de primes.

 Pied au plancher, Lars fit cracher la post-combustion pour se lancer dans la joute qui l’attendait. Son champ de vision se couvra d’un léger voile gris sous l’intensité des g. Il sélectionna la cible la plus proche. Son affichage tête haute lui signala le lancement de plusieurs missiles thermiques et électromagnétiques, en provenance du transporteur ennemi.

Ses contre mesures lui permettraient d’éviter ces derniers, mais sa brève accélération forcée l’exposa aux capteurs infrarouges des têtes chercheuses.

Indiqués par des figures géométriques sur l’ATH du poste de pilotage, les missiles foncèrent en décrivant des tourbillons. Lars allait directement à leur rencontre.

Impact dans cinq secondes. Quatre. Trois…

Une salve de contre-mesures électromagnétiques jaillit du vaisseau du chasseur de primes. Quatre des missiles décrochèrent en direction des leurres. Les cinq missiles restant continuèrent leur course effrénée.

Deux…

Lars poussa à pleine puissance le réacteur principal gauche seul pour le faire surchauffer. Le vaisseau entama aussitôt un roulis qui lui fit progressivement tourner le dos aux explosifs propulsés. Le pilote était écrasé au fond de son siège.

Un…

Il orienta ses deux réacteurs latéraux en sens contraire et poussa la manette des gaz à fond. Le vaisseau tourbillonna à la vitesse de l’éclair. Les missiles, qui visaient le réacteur gauche, ratèrent leur cible, et entrèrent en collision plusieurs centaines de mètres derrière Lars qui stabilisa tant bien que mal son navire.

Les gouttes de sueur perlaient sur le front du chasseur de primes, sans glisser. Le transporteur ne tira pas d’autres missiles, peut-être était-ce déjà là ses derniers projectiles à tête chercheuse. Le pilote du Rêve de Shana se propulsa en direction de son assaillant.

« Black sun ! Tenez-vous prêt à viser le cockpit, scanda la pilote du chasseur lourd qui dirigeait l’opération. Je vais surcharger ses systèmes.

– Bien reçu, Red sun » répondit Lars, un brin fébrile.

Le transporteur grossissait à vue d’oeil. Une tourelle arrosait Lars, qui se rapprochait en décrivant une légère courbe. Une autre mitraillait le chasseur lourd, qui accusait déjà quelques avaries. Ce dernier avait plusieurs secondes d’avance sur le Rêve de Shana et était presque à hauteur de la cible. Son module IEM finit de se charger.

« Maintenant ! »

Une impulsion électromagnétique se propagea dans le vide qui séparait le Red sun du cargo pirate. Les tourelles du Constellation se turent et s’immobilisèrent. La pilote du chasseur lourd écarlate était déjà loin.

Lars fit une embardée pour faire face au vaisseau pirate, et fit cracher tous ses canons. Sans un bruit, le poste de pilotage fut rasé. Le doigt sur la gâchette, Lars leva le manche pour anéantir une des deux tourelles qu’il frôla à la vitesse d’une étoile filante. La seconde tourelle fut détruite au second passage du Rêve de Shana, qui triomphait d’un deuxième ennemi.

Pour autant, les effectifs pirates avait nettement moins diminué que ceux des chasseurs de primes. Dans les minutes qui suivirent, le Blue sun fut atomisé, le Yellow sun réduit en poussière, et le Pink sun lourdement endommagé – percuta le transporteur de troupes pirate. C’en était fini de l’équipage du Leviathan des abysses sidérales II. Lars ne rencontrerait jamais la pilote de l’ATB-1516. La chasseuse aux commandes du Glaive de Némésis avait au moins réduit l’écart grâce à sa manœuvre malchanceuse. Mais désormais, il n’était plus que deux chasseurs.

Le vaisseau de Lars était pris en chasse par les deux Hurricane pirates, armés de puissantes gatlings. Un propulseur de manoeuvre vola en éclat, et le système de refroidissement fut touché. Le Kraken était toujours immobile, au milieu du nuage spatial. Pendant qu’il esquivait les assauts des pirates, Lars vit un morceau du feu Glaive de Némésis rebondir contre la carlingue du porte-vaisseau. Les boucliers.

« Impossible d’approcher le Cater’, ses tourelles sont bien trop puissantes, cria la chef d’opération sur les comms. Et je viens de perdre mon dernier canon opérationnel. Une idée Black sun ?

— Peut-être, mais je crois qu’elle ne va pas vous plaire.

— Si vous comptez jouer au kamikaze, objecta la pilote du Red sun, je vous suggère de revoir le compte de…

— J’ai peut-être une chance de m’infiltrer à bord du Kraken, lâcha-t-il.

— Si l’un de nous peut survivre, il faut tout tenter, dit son interlocutrice après un court silence. C’est quoi le plan ?

— Si votre module de guerre électronique est en état de marche, je vais vous demander de prendre temporairement les commandes de mon bijou.

— Je suppose que l’on peut tenter un dernier acte de bravour, dans ce cas. »

Les propulseurs du Rêve de Shana chauffaient dangereusement à chaque manoeuvre évasive. L’un des deux chasseurs lourds décrocha pour s’en prendre au Red sun qui arrivait à toute vitesse. Lars dériva le plus gros de la puissance de la centrale énergétique sur les boucliers arrières. Il calibra la trajectoire pour faire du rase-motte sous le Kraken, puis se leva précipitamment du poste de pilotage.

Il courut dans la soute en scandant ses instructions sur le canal privé. Il attrapa un filin métallique muni d’un grappin magnétique, un fusil automatique énergétique et quelques cartouches thermiques. Il se plaça ensuite au niveau de la porte arrière de l’espace de stockage et s’agrippa à un harnais. Tout le vaisseau tremblait sous les tirs des chasseurs. Encore un peu et les boucliers laisseraient les balles transpercer la coque de part en part.

« À mon signal, Wakiza…  » Les lumières d’urgence du Rêve de Shana s’éteignirent brusquement puis se rallumèrent les unes après les autres. Comme possédé, le vaisseau se mit à tournoyer, piloté à distance par les consoles de guerre électronique du Red sun. Le sang afflua dans les yeux du chasseur de primes. La porte de la soute s’ouvrit, happant dans le vide l’air de la section arrière. Solidement accroché au harnais, Lars lutta pour ne pas s’envoler. La fin de la rotation l’envoya contre la cloison voisine, mais il tint bon. Les réacteurs latéraux vibrèrent de concert. Le vecteur de célérité était désormais nul.

« Sautez ! » s’époumona la chef d’opération. Ni une, ni deux, Lars se jeta dans le vide, prêt à se raccrocher au porte-vaisseaux qui s’étendait sous lui. Sans qu’il ne s’en rende compte, son vaisseau était déjà reparti dans le direction opposée, le masquant brièvement aux yeux du chasseur lourd qui lui fonçait droit dessus. Le bras tendu, il parvint à s’aimanter à une cloison, à l’aide de son grappin, puis se cacha sous une structure angulaire. Son poursuivant passa en trombe sans même s’arrêter.

Au loin, un flash emporta à tout jamais Le Rêve de Shanna. Puis un second, beaucoup plus important, mit fin à la traque du Red sun. La capitaine de ce chasseur lourd, dans une tentative désespérée, se sacrifia pour annihiler le Caterpillar, dont les nombreux missiles en réserve accélérèrent la destruction. Le dernier vaisseau pirate indiqué sur l’affichage tête haute du chasseur de primes sauta en direction de relais de communication.

Fait chier…

Sans pouvoir éterniser son deuil, Lars se remit en chemin. Se tractant le long des conduits et des cloisons externes, il se fraya un chemin à la surface du porte-vaisseaux. Les portes des hangars étaient toutes fermées, et les tourelles semblaient inoccupées. L’escadron qui avait accueilli le groupe d’opération avait été composé des navires arrimés aux plateformes extérieures du Kraken. Qui sait ce que ses entrailles renfermaient ?

Alors qu’il tentait d’ouvrir un sas, celui-ci s’ouvrit soudainement pour révéler une silhouette en tenue de maintenance. Sans réfléchir, Lars brandit son fusil et tira en plein dans la visière. Le projectile énergétique, sans un bruit, éclata le casque et éparpilla des cristaux rouges dans le vide proche. Sans perdre son sang froid, le chasseur se rua à l’intérieur et se servit de la tablette du technicien pour refermer le sas. En parcourant rapidement les données qu’il y trouva, il comprit que tous les systèmes d’armement et de défense étaient comme paralysés. La gravité artificielle et l’aération fonctionnaient toujours. Mais impossible de bouger la moindre tourelle. Pire encore : toutes les portes du navire étaient verrouillées, et les systèmes de comms bloqués. Le porte-vaisseaux tout entier avait été neutralisé par un programme malveillant en provenance…  du relais de communication détourné.

Les pirates n’étaient pas à l’origine du détournement de comm-link. Ils en étaient les victimes. Quelque peu troublé par cette pièce du puzzle qui ne semblait pas s’imbriquer avec les autres, Lars pressurisa le sas.

En position de tir, il avança prudemment dans les couloirs du porte-vaisseaux. Depuis une plateforme, il observa le numéro de l’équipage qui tentait d’ouvrir les portes des hangars de l’intérieur. Il croisa un second technicien qui n’avait pas encore enfilé son casque. Lars lui envoya un coup de poing dans l’os hyoïde, puis virevolta pour lui asséner un violent coup de pied dans la tempe droite. Il déplaça le corps jusqu’à un local, qu’il verrouilla de l’extérieur à l’aide de sa tablette.

Quelques couloirs et escaliers plus loin, Lars Wakiza se trouva nez à nez avec l’entrée de la timonerie, dont les immenses portes automatiques avaient été forcées pour rester entrouvertes. Discrètement, il se glissa derrière une console, et enregistra la scène qui se déroulait devant lui. Trois hommes, en combinaisons violettes, travaillaient au rétablissement des systèmes. Entre deux jurons, l’un d’entre eux frappait frénétiquement sur une console. 

« Si je chope l’enfoiré qui nous a fait ça, éructa le plus petit d’entre eux, je vous jure que….

— Ça va, Benjamin, le coupa l’un de ses collègues, ça fait trente fois que tu nous le dit. Le Boss doit déjà être au courant, et je suis sûr qu’il va rayer le comm-link de la carte stellaire.

— Et après ? répondit le troisième larron. La raclure qui nous a paralysés nous a trouvés. C’est déjà beaucoup plus inquiétant, et si J.D. l’apprend…

— Le Boss n’apprendra rien du tout, parce que tu vas la fermer et rétablir ces putains de système. À moins que tu ne préfères aller fouiller les épaves des vaisseaux qui nous ont attaqués sans combinaison de sortie extra-véhiculaire ?

— Non, pardon Clayton… euh pardon, monsieur. Je m’y remets. »

Les trois pirates se remirent à la tâche, sans un mot. Lars se faufila dans le dos du premier venu, et lui fracassa le crâne contre la console située devant lui. Les deux autres se retournèrent, pour découvrir avec stupeur le chasseur de primes. Celui qui tenta de dégainer son arme fut abattu d’un tir en pleine tête. Le second demeura bouche bée, jusqu’à ce que la tablette du technicien mort vint lui casser le nez.

« T’as dix secondes pour m’expliquer qui vous êtes, et ce que vous foutez là » déclara Lars. L’homme à terre le fixa dans le blanc des yeux, sans mot dire. Lars lui tira une première fois dans l’épaule, mais celui qui s’appelait Benjamin ne cracha pas le morceau. Le pirate ne laissait nullement paraître son intimidation. Agacé, le chasseur de primes l’exécuta froidement. Au point où j’en suis… Il se hâta près des portes entrouvertes, qu’il scella non sans effort.

Les systèmes du Kraken n’étaient pas entièrement rétablis, mais Lars accéda aux canaux de communication. La plupart des messages étaient cryptés, mais l’un d’entre eux révéla à Lars certaines activités de ce clan pirate, pourtant inconnu de la Guilde : trafic d’êtres humains, assassinats, contrebande d’armes militaires… La liste était encore longue. Le message était signé par un certain “Secrétaire personnel de J.D.”

Lars téléchargeait  des données sur son mobiGlas lorsque les systèmes redémarrèrent. Les boucliers du porte-vaisseaux scintillèrent tout autour du navire. Des alertent retentirent sur les consoles de la timonerie et un grognement continu signala la résurrection des systèmes du Kraken. D’une minute à l’autre, les membres restant de son équipage accourraient sur le pont, sortiraient des hangars ou partiraient en direction du relais de communication.

À l’aide de son mobiGlas, Lars Wakiza rouvrit le canal de communication de Chimaera. Il automatisa le transfert de paquets pendant qu’il se dépêchait de fouiller les ordinateurs de bord du porte-vaisseau. Aucune réponse de l’infoagent.  Des voix d’hommes et de femmes hurlèrent de l’autre côté des portes scellées. L’équipage tentait de reprendre le contrôle de son vaisseau.

Fendant l’épais nuage spatial, un Bengal aux couleurs de l’Empire Uni de la Terre surgit en face du vaisseau capital pirate. Les comms, vraisemblablement endommagés, résonnèrent sur le pont.

« …ci l’amir… ord de l’USS… veuillez désacti… tèmes d’arme… auquel cas… le feu sans sommation » grésilla une voix d’homme mûr. « Oh merde », laissa échapper le chasseur de primes. Il se jeta sur les consoles de communication, et envoya un message à destination du Bengal.

« Ici Lars Wakiza, chasseur de primes agréé de la Guilde, numéro d’identification –

— Je répète, ici l’a…. à bord…, veuillez… »

Les bras lui en tombèrent. Les communications à destination du croiseur n’étaient pas transmises. Le schéma de répartition de l’énergie du vaisseau commença à s’affoler, indiquant l’alimentation de plusieurs tourelles. Oh non. Non… non… non ! Puis la timonerie s’éteignit. Les hurlements à l’extérieur avait cessé, mais d’étranges résonances mécaniques traversaient les lourdes portes métalliques. 

Les tourelles du Kraken tirèrent en direction du Bengal, dont les boucliers semblaient à peine vaciller. Les canons du croiseur se mirent à leur tour en action, et une pluie de tirs rouges et jaunes s’abattit sur le navire pirate.

Les boucliers ne tardèrent pas à laisser passer les projectiles les plus lourds, qui pourfendirent la coque du Kraken de part en part. Des explosions fleurissaient ici et là sur la plateforme d’où avait décollé le premier escadron de pirates. La gravité artificielle se coupa, et Lars fut bringuebalé par les secousses qui ravageaient le poste de commandement. Dans la confusion, il saisit une poignée en acier, autour de laquelle il enroula le filon de son grappin magnétique. Un chariot le percuta de plein fouet, il poussa un cri de douleur lorsque son abdomen fut transpercé.

Le râle de la carlingue résonnait à travers ce qu’il restait du cockpit et trouvait écho dans les vrombissements des gaz qui s’échappaient de tuyaux. Les hélices du systèmes d’aération saccadaient dans un mouvement de va-et-vient régulier. Des bulles noirâtre d’hémoglobine s’amassaient dans tous les recoins, comme de petits nuages de sang. Certaines tourbillonnèrent lentement jusqu’à heurter une paroi. Les cadavres de pirates flottaient dans le vide. Lars Wakiza ferma les yeux.

Leave a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *