Boucliers à quarante pour cent. Quatre de ses écrans s’étaient éteints. Plus que deux missiles dans la nacelle de l’aile droite. Les canons et le carburant, ça pouvait aller. Ça, c’était les bonnes nouvelles. Les mauvaises nouvelles ? Cal Mason ne pourrait pas continuer à pilonner Serre Noire bien longtemps.

Penny et les autres étaient toujours aux prises avec le reste des pillards. Les cieux étaient un chaos de traînées se dissipant et de colonnes de fumées émanant des carcasses en feu, plus bas. Cal devait rester concentré. Il savait que les rôles pouvaient s’inverser à tout moment.

Serre Noire coupa brutalement sur la gauche. Cal était toujours sur lui. Il décocha une volée mais Serre Noire esquiva les tirs comme si de rien n’était. Cal voyait où il se dirigeait. Le dernier Anvil se trouvait un peu plus loin et faisait pleuvoir des projectiles sur un autre pillard.

Serre Noire fonçait tout droit sur les explosions d’obus.

A bord du Gemini, l’Amiral Showalter était pris au piège entre le vaisseau amiral Vanduul et l’attraction gravitationnelle de Yar. L’immense porte-vaisseaux ne pourrait plus faire face à ces deux agressions bien longtemps. Il restait là, le regard rivé sur la cartosphère, étudiant chaque position, attendant qu’une occasion se présente. Le vaisseau Vanduul se tenait légèrement au-dessus de leur côté tribord. Ils étaient en train de pivoter pour les frapper de leurs canons principaux. La planète se trouvait juste au-dessous de leur horizon bâbord.

“Amiral. Nous ne pouvons pas rester là” hurla le pilote de pont. Showalter l’ignora, toute son attention tournée vers ce qui ressemblait à un plan.

“Amiral!” hurla-t-il à nouveau. Showalter se retourna; ça pouvait marcher.

“Coupez les propulseurs de suspension trois à neuf. Abaissez les huit, dix et douze de soixante pour cent.”

“Mais Amiral, cela va nous faire plonger-”

“Vers la planète, c’est exact. Voilà ce que je veux vous voir faire, et je ne le dirai qu’une seule fois.” Tout le monde écouta. D’après leurs expressions, ils pensèrent tous que le vieil homme avait finalement perdu la tête.

Les batteries principales du vaisseau amiral Vanduul commençaient à chauffer. De l’énergie s’accumulait à l’extrémité des canons, puisant des éléments dans l’atmosphère. Soudain, le Gemini pivota vers la planète, les propulseurs bâbord s’allumèrent et obligèrent l’immense vaisseau à tourner. Il dévia à la limite de l’atmosphère, utilisant la gravité pour se retourner jusqu’à ce que son flanc bâbord s’arrête juste en dessous du vaisseau Vanduul.

Le Gemini déchaîna tout son armement sur le ventre vulnérable. Les boucliers Vanduul s’illuminèrent tandis qu’ils essayaient de dévier toutes les attaques, mais ils ne purent rien faire. Des rafales d’énergie transpercèrent la coque, suivies de roquettes perce-blindage. Pour la première fois, les Vanduul subissaient de lourds dégâts.

Sur Yar, Cal slalomait maintenant entre les obus d’artillerie. Heller, le pilote de l’Anvil, tentait d’ajuster Serre Noire mais le Vanduul évitait tirs directs et indirects avec la même adresse.

Penny vint se ranger derrière Cal. Il devenait évident que même si le Vanduul était sur la défensive, c’était lui qui dictait le cours du combat. C’était sur le point de changer. Ils allaient frapper Serre Noire ensemble.

“T’es prête, Penny?”

“On va pulvériser ce type.” Cal sourit.

D’une façon ou d’une autre, Serre Noire devina. A la seconde où Penny et Cal s’écartèrent en position d’attaque, des panneaux se détachèrent sur le vaisseau de Serre Noire et révélèrent six propulseurs cachés. Il les alluma pour se retourner complètement à une vitesse vertigineuse et foncer vers eux. Cal fit un écart pour éviter la même attaque de l’aile qui avait tranché Poll en deux. Serre Noire enclencha sa post-combustion et fusa vers l’horizon, rejoignant la deuxième escadre de Scythes et de Crawlers Vanduul, ceux qui avaient filé droit vers l’ancienne colonie, avant de disparaître plus haut dans l’atmosphère.

Penny et ce qui restait de l’escadre les pourchassèrent. Pas Cal. Quelque chose le chiffonnait. Il changea de direction et se dirigea vers les bâtiments.

Le vaisseau amiral Vanduul battait en retraite. Le Gemini avait renversé la situation et l’avait transpercé en plusieurs endroits mais il ne parvenait pas à le rattraper. La manœuvre audacieuse de Showalter avait laissé le Gemini pris au piège par la gravité. Tel un tout-terrain pris dans la boue, il faisait tout ce qu’il pouvait pour se libérer. Showalter pouvait voir les pillards émerger de Yar et disparaître dans les multiples baies d’atterrissage. Les puissants moteurs du vaisseau amiral s’embrasèrent et il commença à prendre de la vitesse.

À la surface, Cal descendit l’échelle. Il releva le cran de sûreté de son arme à l’approche du bâtiment. Un panneau à l’avant était recouvert par la poussière rouge en suspension dans l’air. Cal essuya la couche supérieure. C’était une sorte de station de recherche géologique.

Il poussa la porte battante. Quelques rayons de lumière filtraient à travers la poussière par des trous dans le plafond, mais à part ça, il faisait sombre. La poussière rouge était partout. Mais aussi contrariante qu’elle puisse être pour Cal, elle lui rendait un fier service pour le moment. Des empreintes de pas étaient visibles, et mieux encore, le contour de ce qui manquait.

Cal fit le tour de l’installation. Ils semblaient avoir emporté quatre machines, d’environ quatre mètres de haut pour deux de large. Il prit ensuite quelques clichés avec sa visière, insistant sur les machines proches de celles qui manquaient. Tout ce qu’il apprenait ne faisait que lui nouer davantage l’estomac. Ceci n’était pas une razzia. C’était un cambriolage. Qu’étaient donc ces machines? Que pouvait bien vouloir faire ce clan Vanduul avec cette technologie dépassée? Que pouvaient-ils bien mijoter?

Penny pourchassa Serre Noire et les autres aussi loin que possible. A la seconde où ils sortirent de l’atmosphère, le vaisseau amiral les arrosa de tirs de couverture. Papy leur avait visiblement infligé une raclée, cependant. Avec un peu de chance, ils y réfléchiraient à deux fois avant de s’en prendre de nouveau à ce système.

“Très bien, les gars. On rentre à la maison.” L’escadre abandonna la poursuite et se dirigea vers le Gemini, qui s’était stabilisé mais luttait toujours pour s’arracher à l’attraction. Penny regarda ce qui restait de son escadre. Elle consulta la liste des pilotes qui ne reviendraient pas. Où était…

“Cal, tu me reçois?”

“Hé, Penny. Les Vanduul sont toujours dans le système?”

“A peine. Ils décampent tous.”

“Quelque chose ne colle pas, Penny. Ce n’était pas une razzia.”

“Qu’est-ce que tu racontes, Cal?

“J’ai besoin que tu me rendes un service.”

“Je n’ai jamais aimé les phrases qui commencent comme ça.”

“J’ai besoin que tu me couvres auprès de Papy.”

“Tu veux rire, Cal.”

“Je rappliquerai quand j’en saurai plus. Il se passe autre chose par ici, Penny.”

Le silence dura quelques instants.

“Tu sais, Cal, un de ces jours, je vais réclamer le retour de toutes ces faveurs.”

Sur le pont du Gemini, l’Amiral Showalter regarda Penny et les autres pilotes revenir, bien moins nombreux qu’il ne l’aurait souhaité. Puis il vit le vaisseau de Cal s’extraire de Yar. Il se dirigeait vers le vaisseau amiral Vanduul.

“Cal, imbécile de fils de-”

… A SUIVRE

Source: https://robertsspaceindustries.com/comm-link/spectrum-dispatch/12758-Cassandras-Tears-Issue-3