Les funérailles du Lt. Cal Mason se déroulèrent en comité restreint. L’escadron se tenait fièrement en formation, mais à part ça, seule une poignée d’officiers et de membres d’équipage y participèrent. Kerny, un mécanicien de l’équipe de ravitaillement, fit une apparition. Cal avait aidé la famille de Kerny à s’échapper du système Nul il y a environ un an. Maintenant, le géant tranquille était planté là à se tordre les mains comme si cela pouvait retenir les larmes qui menaçaient de jaillir.

L’Amiral Showalter récita le discours habituel. Son visage était de marbre, comme toujours. Quelques paroles furent prononcées. Une triple salve d’honneur. Le lancement du cercueil vide. Et ce fut tout. Le groupe fut congédié et se dispersa doucement.

Penny, Showalter et Kerny restèrent, comme si s’éloigner d’un seul pas revenait à accepter la mort de Cal.

Cal Mason était constamment sous surveillance. Malgré les menottes retenant ses mains et la chaîne reliée au mur, il y avait toujours quelqu’un qui le tenait à l’œil. Cela faisait deux jours, ainsi que trois points de saut supplémentaires, depuis sa capture. Cal était un prisonnier modèle, mais il gardait les yeux et les oreilles grands ouverts en permanence. L’équipage du Constellation se gardait tout particulièrement d’utiliser des noms ou de converser en sa présence. C’était bon signe ; ça voulait dire qu’ils n’avaient pas encore décidé de le tuer.

Malgré leurs efforts de discrétion, voici ce qu’il parvint tout de même à glaner :

Le vaisseau s’appelait le Phénix. Un écran d’ingénierie le lui avait révélé.

Le grand type qui avait parlé à leur chef, peut-être nommée Cassandre, était surnommé Trunk. D’après sa taille et ses manières, il semblait être le gros bras de la bande. Il y avait un lien entre lui et Cassandre, mais Cal n’était pas parvenu à déterminer s’il était d’ordre romantique ou s’il s’agissait d’un lien forgé par les combats ou la piraterie.

Il y avait un canonnier qui aimait parler. Qui aimait vraiment parler. Son nom était Nesser Yahro. Il l’avait dit ouvertement à Cal. Il avait aussi un problème de boisson, ce qui expliquait pourquoi il oubliait une bonne partie de leurs conversations. Il semblait en outre être le pilote de remplacement, lorsque Cassandre ne pilotait pas elle-même. Cal pouvait toujours deviner qui pilotait. Alors qu’elle était l’équivalent d’une danseuse aux commandes, lui était un engin de démolition.

Le dernier membre d’équipage était le mécanicien du vaisseau. Il ne voulait rien avoir à faire avec Cal et faisait tout son possible pour rester hors de vue, ce qui agaçait Nesser car cela perturbait leur partie de Gâchette en cours. Nesser l’appelait Mahony.

Ce fut peu de temps après le premier repas, le troisième jour, qu’elle s’approcha de Cal et s’adressa à lui pour la première fois depuis sa capture.

“À l’aise ?”

“Pour sûr. Qui n’aime pas être menotté ?”

“Ça dépend de la compagnie.”

“Très juste”, concéda Cal d’un hochement de tête. Elle sourit. Cal évalua ses options. Il pouvait balancer ce qu’il savait dans l’espoir de la déstabiliser et de lui tirer les vers du nez. L’envers de la médaille, si elle ne mordait pas à l’hameçon, c’était qu’elle risquait de se décider à le tuer.

Non, pensa-t-il. Mieux valait patienter et voir s’il trouvait des indices quant à leurs intentions et leur destination. Après ça, un long silence s’ensuivit.

“N’hésitez pas à nous faire signe, s’il y a quoi que ce soit que nous puissions faire pour vous” dit-elle, buvant une petite gorgée de sa tasse.

“Et si vous me relâchiez ?”

“Mais tout de suite !” Elle commença à s’éloigner.

“Au revoir, Cassandre” dit Cal, surtout par curiosité. Elle ralentit pendant une nanoseconde, se rendit compte de son hésitation et tenta de reprendre sa marche. Mais Cal l’avait remarqué. Voilà qui répond à cette question, pensa-t-il.

Ce en quoi il se trompait, car son nom n’était pas Cassandre. Sasha Tai s’avança jusqu’au siège de pilote, se creusant les méninges pour comprendre comment il avait entendu ce nom. Elle se glissa aux commandes et désactiva le pilote automatique. Les circuits hydrauliques furent à nouveau assujettis aux commandes alors qu’elle prenait le contrôle.

Rétrospectivement, elle n’aurait pas dû empêcher le Vanduul de tuer ce pilote, Mason. L’avoir à bord mettait tout en péril, mais elle avait vu ce que les Vanduul faisaient aux prisonniers de l’UEE. Elle s’était dit qu’elle aurait meilleure conscience en lui tirant une balle dans la tête plutôt que de laisser les Vanduul s’acharner sur lui.

Elle vérifia les NavPlans. Ils avaient encore été changés. Nesser perdait trop de temps et gaspillait trop de carburant avec ses plans de vol inefficaces. Trunk arriva alors qu’elle recalculait l’approche.

“Mahony a rangé la came” dit-il, jetant un coup d’œil à Cal avant de se glisser dans le siège à côté d’elle, “que se passe-t-il par ici ?”

“Nesser finira par faire s’écraser ce vaisseau” murmura-t-elle, s’assurant que ce dernier ne pouvait entendre. Sasha s’interrompit une seconde, puis se pencha vers Trunk.

“Quelqu’un lui a parlé ?”

“Je ne crois pas. Pourquoi ?”

“Il m’a appelé Cassandre.”

“Bizarre.” Trunk y réfléchit quelques instants. “Bon, alors il ignore ce que c’est.”

“Quand même…”

“T’en fais pas, petite sœur. S’il devient dangereux, on le balance par le sas.”

Sur le Gemini, Penny était dans sa couchette. Showalter n’avait pas vraiment appliqué sa punition pour le coup d’éclat de Cal sur Yar, donc elle l’appliquait elle-même. Elle nettoyait le pont d’envol, aidait les équipes de ravitaillement, effectuait des simulations pour les pilotes débutants, n’importe quoi pour rester occupée. Elle travaillait jusqu’à l’épuisement. C’était la seule façon pour elle de trouver le sommeil.

Sauf aujourd’hui. A l’instant où elle tomba sur le lit, elle se souvint de quelque chose. Au milieu de toute cette folie, elle avait complètement oublié. Elle s’empara du SysBook sur son étagère et examina toutes les photos que Cal lui avait envoyées de la colonie sur Yar. Celles qui concernaient l’équipement volé. Après deux heures passées à les étudier, elle ne parvenait toujours pas à comprendre ce qu’était cet équipement, donc elle s’intéressa à la colonie elle-même.

Étrangement, tous les info-liens étaient protégés par des protocoles de sécurité sophistiqués. Elle tâtonna un moment pour les contourner, grâce à d’innocents petits craqueurs de clés, jusqu’à ce que l’un d’eux fonctionne-

La colonie sur Yar avait été établie en tant que laboratoire de recherche en 2880. A l’époque, tout le monde était excité par le nouveau projet du Monde Synthétique. Toutes les multinationales cherchaient à faire partie du projet lucratif du gouvernement.

Elle continua à creuser. Apparemment, la colonie avait été formée pour travailler sur un projet unique, un projet appelé Cassandre.

Malgré le jargon scientifique et les formules, elle comprit que le projet Cassandre avait pour but de restructurer une planète au niveau moléculaire. C’était un nanovirus auto-répliquant conçu pour décomposer toute vie sur une planète existante avant de la reconstruire.

Et les scientifiques sur Yar y étaient parvenus.

C’est alors que soudain, son écran devint noir.

…A SUIVRE

Source: https://robertsspaceindustries.com/comm-link/spectrum-dispatch/12818-Cassandras-Tears-Issue-6