Le centre des visiteurs d’une prison Supermax est souvent le seul endroit de tout le complexe où les prisonniers peuvent laisser de côté les réputations violentes qu’ils ont pu entretenir. Pour un site isolé comme OSP-4, les familles doivent dépenser des milliers de crédits et passer de nombreux jours de voyage pour revoir leurs êtres aimés emprisonnés. Quelques fois, dans des cas exceptionnels, on sait que la prison prit en charge une partie des frais. Il y a tout un tas d’études qui montrent qu’un prisonnier qui maintient un contact social avec ceux qu’il aime est plus docile et plus facile à gérer. C’est un investissement qui s’avère payant sur le long terme.

Le centre des visiteurs était désormais le territoire des Chiens de Nova, un groupe de pirates mené par Martin Kilkenny, un cannibale avec un complexe de supériorité divine. J’avais prévu de l’éviter, mais nous avions besoin de carburant pour réussir notre évasion d’OSP-4, et la seule source disponible que nous connaissions se trouvait de l’autre côté du centre.

Nous étions assez proches pour devoir couper nos communicateurs. Un signal aussi faible soit-il émet quand même des bruits parasites. À la place, nous nous contentâmes de murmurer alors que nous rampions à travers un conduit électrique, ce qui n’était pas chose facile dans nos combinaisons spatiales. Par le passé, j’avais à plusieurs reprises fait le voyage avec un sac rempli de fournitures médicales de contrebande attaché à ma jambe, alors je passai devant. La façon la plus facile de se mouvoir était de s’appuyer sur un seul coude, donc je progressai rapidement. Les autres avaient du mal.

“Ce serait beaucoup plus facile sans les combinaisons spatiales”, maugréa une voix derrière moi. À priori celle de Relic. L’autre ex-détenu, Pike, avait une voix plus grave et parlait rarement.
“Ça fera trop de bruit si tu la traînes derrière toi, et on en aura besoin de l’autre côté. En plus, y a assez de jus qui passe à travers ces câbles pour te griller sur place. L’isolation de la combinaison devrait t’éviter de prendre une décharge.” Je repérai des mouvements à travers la grille qui fermait le conduit, devant. “Maintenant, ferme-la, avant que les Chiens de Nova ne nous entendent.”

Bien que nous avions vu les dégâts causés par les hommes de Kilkenny et avions dû traverser des parties de la station exposées au vide, nous avions rarement croisé ces pirates en personne. J’avais un aperçu de leurs forces actuelles à travers cette petite grille.

Plusieurs douzaines d’entre eux se tenaient à dix mètres en-dessous de nous, dans une petite salle. Ils portaient des combinaisons spatiales provenant d’une douzaine de forces armées et de périodes différentes. Certaines avaient même été bricolées à partir de combinaisons appartenant à différentes races. La plupart avaient été repeinte à la va-vite avec une peinture semblable à du goudron, alors la couleur d’origine se voyait au travers. Quelques hommes portaient des casques, les autres préférant exhiber des coiffures élaborées, la plupart du temps des variantes de la crête Mohawk avec de longs favoris brossés, et leurs tatouages au visage et au cou.

“J’suis coincé.”

C’était la voix de Pike, notre magicien des mots. “Ne panique pas”, dit quelqu’un dans un sifflement bruyant.

“Je panique pas, j’suis juste coincé.”

Je me retournai vers Wes Morgan. Ses sourcils se levèrent, et il regarde en contrebas du conduit.

J’entendis résonner quelques coups.

“Tu me lattes encore une fois et je te tire dans le derche.” Pike était lent à la colère, mais je pouvais entendre le timbre de sa voix qui s’échauffait. Le volume montait également, et mon regard se porta avec appréhension sur la grille d’accès. Les Chiens de Nova faisaient énormément de bruit, mais l’un deux, un homme avec une grosse barbe et des cheveux noirs en bataille, tourna la tête dans notre direction.

“La ferme”, lançai-je.

“Devrions-nous l’abandonner ?” demande Relic.

“Vous m’abandonnez que dalle.” La déclaration de Pike était sans équivoque, la menace planait.
On n’aurait pas dit que l’un d’entre eux parlait moins fort. En fait, le volume était même en train d’augmenter. Le pirate barbu s’était levé et se dirigea dans notre direction, un fusil d’assaut fermement tenu dans une main.

“Dernier avertissement, les gars. Mettez-la en veilleuse.” Les murs étaient rapprochés, mais je me fis de mon mieux pour me déplacer de l’autre côté du conduit, hors de portée de vue. L’homme était assez éloigné en contrebas pour que son angle de vision m’aide un peu à me cacher de lui, mais je ne voulais pas qu’il voit quoique ce soit bouger.

“Faut que vous m’aidiez à me décoincer. Je compte pas mourir ici.” J’entendis le bruit de l’aluminium qui se froissait sous les débattements de Pike qui tentait à se libérer.

Quelqu’un jura puis un cri d’alerte sortit du pirate qui se trouvait sous moi. Les tirs fendaient l’air et des étincelles jaillirent des murs du conduit à proximité du centre des visiteurs. Des trous apparurent en ligne, du coin en bas jusqu’au plafond au-dessus de ma tête.

Derrière moi, Pike avait commencé à paniquer et griffait Relic, qui tentait tant bien que mal de se débarrasser de lui à coups de pieds. Morgan, le plus expérimentés d’entre nous, s’était accroupi de mon côté du conduit. “Il faut qu’on sorte d’ici !”

“Comment ?” criai-je en retour. “À quatre pattes ? On se ferait cribler de balles avant même d’avoir effectué deux mètres.”

“Trouve un truc !” Morgan décrocha son fusil de son épaule et le pointa de façon à viser en-dessous en diagonal. L’arme tenait à peine dans le conduit dans cette position. Il pressa la détente et laissa le recul repousser l’arme sur le côté alors qu’elle crachait encore des balles. J’entendis des cris en-dessous et des tirs en réponse.

Nous nous tenions accroupis.

Il fallait que je nous sorte d’ici, et vite. Une fois, j’étais sur le point de me faire attraper avec de la contrebande, je m’étais enfui par un tunnel, en ayant déclenché l’alarme incendie.

Il y avait des paquets de câbles électriques qui parcouraient le plafond au-dessus de nous. Je sortis un petit couteau de la ceinture d’équipements de ma combinaison et coupai deux câbles, heureux de voir que la combinaison était isolée. Je les fis se toucher et ne fus récompensé que par des étincelles. Rapidement, je coupai un autre câble les connectai tous. Cette fois, des lumières commencèrent à clignoter et une sirène retentit dans les environs.

La façon la plus facile d’éteindre un feu dans un vaisseau spatial et de l’étouffer dans le vide froid de l’espace. Des plaques de métal descendirent pour couvrir la grille, scellant l’ouverture aussi hermétiquement que possible, et à la toute fin du tunnel une toute petite lumière apparu alors que la porte extérieure s’ouvrait. Instantanément, l’air s’échappa autour de nous et je me sentis emporté avec lui, ma combinaison spatiale raclant contre le métal alors que je heurtais les murs et le plafond.

J’étais dans l’espace.

Un paysage étoilé tournoya autour de moi puis la station fut de nouveau en vue. Je pouvais m’entendre faire de l’hyperventilation alors que je réalisai que je tombai en direction d’une planète située à plusieurs milliers de kilomètres. Une antenne de métal apparu en périphérie de mon champ de vision et je la saisis de la main. Je serai si fort que je faillis presque me déboîter le bras.

Un flash bleuté apparu et je tendis le bras en aveugle dans sa direction. Par miracle, j’attrapai la main de Morgan et la tins fermement, je le balançai en direction de l’antenne à côté de moi. Morgan, plus à l’aise dans l’espace que moi, se servit de l’élan pour atterrir les pieds en premier, laissant ses bottes magnétiques le cramponner sur la surface. Un autre corps se précipitait dans notre direction et je pouvais entendre crier sur la radio. Morgan tendit les bras, mais ses mains heurtèrent la hanche de Relic et le poussèrent au loin. Sans perdre un instant, il me tendit l’extrémité de son fusil, s’appuya sur mon genou et se jeta dans le vide. Ses pieds touchèrent la combinaison spatiale au niveau de la poitrine et ses bottes magnétiques se cramponnèrent à l’alliage de plastique et de métal. Je sentis le fusil tirer avec force et pendant un instant, il s’étendait entre nous comme un cordon ombilical. Puis il se détendit et je pu les ramener tous les deux.

La combinaison spatiale suivante fut suivie d’un nuage de cristaux rouge et argent, et quand le torse nous fit face, je pouvais y distinguer de larges trous par lesquels l’air ne s’échappait plus. C’était trop tard pour Pike.

“Nylund”, dit la voix de Morgan sur la radio, “on a un problème.”

Relic avait été touché. La balle l’avait manqué, mais elle avait creusé un profond sillon dans sa combinaison qui déversait des cristaux d’air dans le vide. Je n’avais pas de rustine, et de toute manière je n’aurais pas eu le temps d’en appliquer. Les yeux de Relic étaient grands ouverts et emplis de panique alors qu’il essayait désespérément de ramener les cristaux d’air qui s’échappaient dans sa combinaison, en vain. Son indicateur de température corporelle plongea rapidement et les veines sur ses joues rougirent en formant des stries.

Je voulais dire quelque chose pour le calmer, mais je réalisai que la seule chose que je savais à son sujet était qu’il avait failli nous tuer avec un chalumeau lors de notre première rencontre. Je n’eus d’autre idée que de presser fermement sa main en lui murmurant que tout allait bien. Encore et encore. Tout allait bien.

Ses joues et son nez étaient noirs, et ses poumons cherchaient de l’air qui n’était pas là. Ses yeux croisèrent les miens et les fixèrent durant un instant qui parut long. Je ne sus pas vraiment quand la vie le quitta. Je ne sais pas si on le sait jamais.

Morgan et moi nous cachâmes à l’ombre du réservoir de carburant du propulseur, alors que les vaisseaux pirates se rapprochèrent de la coque à la recherche de survivants. Deux brefs éclats de lumière signalèrent qu’ils avaient localisé les corps de Relic et Pike. Ce fut une incinération des plus violentes.

Nous attendîmes plusieurs heures avant de signaler à Konicek de ramener les chasseurs et le transporteur. Une fois qu’ils auraient quitté la soute C, nous n’aurions que quelques minutes pour les ravitailler avant qu’ils ne soient repérés par les détecteurs pirates.

Après ça, ce serait chacun pour soi.

À suivre…

Traduit de l’Anglais par Hotaru, relecture par IronManu – Source : https://robertsspaceindustries.com/comm-link/spectrum-dispatch/14110-Orbital-Supermax-Episode-Nine
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Traduction soumise à la licence CC By SA 3.0. Vous êtes libre de copier et réadapter ce texte en mentionnant les auteurs originaux, les traducteurs et la source. Merci !

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