J’ai piloté des chasseurs avant, quand ils étaient ravitaillés en plein combat. Vous êtes une cible facile, stationné pendant de précieuses minutes à côté d’une citerne qui, en réalité, n’est rien de plus qu’une boule métallique de combustion prête à repartir. Qu’importe l’intensité du combat, vous êtes paralysés pendant que votre jauge de carburant se remplie. Votre coucou a besoin de carburant. C’est l’une des constantes du combat.

C’est l’impuissance qui fait le plus mal.

Sur la coque de l’Orbital Supermax, j’ai découvert la vraie signification du terme « Cible Facile ». Nous n’étions pas seulement en train de ravitailler un chasseur. Nous siphonnions le carburant de l’un des propulseurs de position de la station et l’utilisions pour remplir deux chasseurs et la citerne que Herschel Konice a conduits près de la soute C. Et à la place des ennemis habituels, nous nous cachions des Chiens de Nova, un groupe de pirates dirigé par le capitaine Matin Kilkenny, un cannibale qui menaçait de manger tous les prisonniers du Supermax.

Nous avions ravitaillé les chasseurs en premier et Wes Morgan avait emmené le Hornet dans une grande étendue, dans l’espoir de distraire les Chiens de Nova de notre opération de ravitaillement. Je m’assis dans le Cutlass. Ça faisait longtemps depuis la dernière fois où j’en avais piloté un, mais tout me revenait. Poussée, comportement, contrôle de l’armement. OK.

« Un tango à 12H, en contrebas » dit Konicek depuis la citerne. Je regardai à mes douze heures puis en bas. Par pure malchance, un chasseur isolé des Chiens de Nova était parvenu à nous repérer, alors que nous étions contre le mur de la station.

“Je l’ai” dis-je tandis que j’allumais le chasseur. Un menu vol préenregistré apparu sur l’ATH mais j’y fis abstraction et guida le Cutlass hors de la station.

“Donnez-moi vingt minutes” annonça Konicek à la radio. Je soupirai. Il pourrait tout aussi bien demander une journée. Je ne pense pas que nous ayons ni l’un, ni l’autre.

Le Chien de Nova ne semblait pas spécialement concerné lorsque je guidai mon vaisseau vers lui et qu’un grésillement sorti de l’interface de communication. Au troisième jour de siège, je peux imaginer qu’ils soient confus à l’apparition d’un chasseur non identifié. Le pont d’envol ayant été détruit, et avec lui tous les chasseurs actifs de la station. Ils ne pouvaient pas soupçonner que nous nous serions occupés de réparer les deux chasseurs en réserve rangés depuis plus longtemps que je ne suis sur cette station.

Je n’allais pas lui donner la moindre chance de déclencher l’alarme.

Je basculai rapidement mes boucliers vers l’avant et passai à la poussée maximale. L’inertie m’écrasa dans mon siège avec assez de force pour assombrir ma vision. Aussitôt que j’entendis le bruit de mon scanner sur le Chien de Nova, j’appuyais sur la détente. Plusieurs salves de lumière traversèrent le vide, provoquant de petites explosions sur l’aile et la coque de l’ennemi. La seconde salve me toucha dans un scintillement brillant. Il économisait son énergie, mais maintenant il levait ses boucliers. Ses réacteurs flamboyèrent et il plongea vers la station pour chercher une couverture.

Je fis un mouvement vers la gauche, en faisant tourner mon vaisseau pour le poursuivre et conserver sa chaleur. Des éclairs d’énergie frappaient ses boucliers. Il fit un tonneau autour d’une antenne, l’évitant de justesse, et arriva rapidement dans mon champ de vision. J’appuyai sur la détente et découpa l’antenne. Mes boucliers prirent une teinte bleuâtre quand les morceaux de métal volèrent et rebondirent brutalement sur moi. Pendant que je la dégageais, environs la moitié de la puissance de mon vaisseau gériatrique était partie, juste comme ça.

On était proche de la coque maintenant, si près que je pouvais voir les petits carrés de lumière qu’étaient les hublots de la station devant lesquelles nous volions. Mon réacteur toucha et me propulsa de la station, mais j’y revins encore plus fort. Instinctivement, mon adversaire vira et ses boucliers raclèrent OSP-4, brillant fortement pendant quelques secondes avant de faillir. Mon tir suivant le transforma en boule de feu qui disparut aussi rapidement qu’elle était apparue.

Je réduisis la poussé et m’approchai de la station. J’étais momentanément seul, mais ma radio continuait de siffler avec des grésillements organisés qui ressemblaient à des mots. Curieux, je changeai la bande et captai les bruits d’une fusillade. Des cris étaient ponctués par des frappes rapides d’armes à projectile. Les Chiens de Nova étaient en train d’attaquer quelqu’un sur la station et ils subissaient l’enfer pour leur trouble.

Je n’arrivais pas à m’imaginer qui pouvait éventuellement offrir ce niveau de résistance après trois jours de siège. Les gardes restant étaient morts et tous ceux qui le purent s’étaient enfuis à bord des capsules de sauvetage et avaient été abattus par les pirates. Soudainement, mon cœur s’arrêta. Il y avait en fait un groupe qui était toujours armé et organisé. Après tout, ils avaient volé nos armes.

Je tapais sur l’interface de communication pendant que je pilotais mon chasseur aussi près de la station que je l’osais, en augmentant et en diminuant la bande afin de la trianguler. “La” car bien que le groupe que je traquais était sans aucun doute les Tevarin, j’étais en fait en train de localiser leur compagnon de cellule. Cayla Wyrick. Ma thérapeute.

À un moment, j’ai pu voir un des hublots de la station briller irrégulièrement. Je ne voyais pas d’oxygène qui s’en échappait, ce qui signifiait que la zone était déjà percée. Qui qu’ils soient, ils étaient en train de se battre en combinaison spatiale.

Je risquai une transmission. “Cayla ?”

Le son de la bataille l’avait grossièrement reflué, mais il me sembla avoir entendu sa voix au loin. Cet espoir, certainement un coup de mon imagination, était-il suffisant pour moi? J’attrapais légèrement les manettes et tourna le nez du chasseur vers la station. J’étais si près maintenant que je pouvais voir la bataille faire rage à travers le hublot. Un camp portait des combinaisons spatiales irrégulières, enduit de peinture ressemblant au tar. L’autre, les rouges et bleus du personnel de la station. Mais ils ne faisaient pas partie du personnel de la station. C’était les Tevarins.

“Cher Yusaf Asari”, lançai-je à la radio. “Je vous suggère de faire reculer vos hommes. Affectueusement, le gamin qui ne voulait pas la fermer.”

Contre toute attente, je vis un des hommes en combinaison spatiale rouge porter la main à son casque, au niveau de son oreille, puis regarder dans ma direction à travers le hublot. Ce dut être un sacré spectacle. Un énorme Cutlass, les propulseurs de positionnement crachant par intermittence des flammes sur la coque, à quelques mètres à peine à l’extérieur de la fenêtre. Il se retourna et fit signe à ses hommes de reculer. Je me laissai dériver sur ma gauche. Mon ordinateur de ciblage n’arrivait pas à verrouiller les cibles “humaines”, alors je m’alignai manuellement sur les combinaisons rayées noir et appuyai sur la gâchette.

La première salve chauffa la coque à blanc et la seconde projeta des gouttes de métal visqueux sur la foule de pirates. Cela leur pris plusieurs secondes pour identifier d’où provenait cette nouvelle attaque, et durant ce laps de temps j’avais formé un énorme trou dans la coque et réduit leur effectif de moitié. Certain répliquèrent par quelques tirs intermittents à l’aide d’armes de poing, encaissés sans mal par mes boucliers. J’actionnai brièvement mes propulseurs, pour pencher légèrement le chasseur, et continuai de faire pleuvoir le déluge de feu. Cela ne pris pas longtemps avant qu’ils ne prirent la fuite pour sauver leurs peaux, et les Tevarin brandissaient leurs poings en l’air.

Mais je n’en avais pas terminé. Je coupai les boucliers puis mis en drapeau le manche de commande, pour faire pivoter le chasseur. En ne me servant que des propulseurs de manœuvre, je guidai le chasseur à travers le trou que j’avais formé dans la coque. Les alertes de collision commencèrent à brailler dans mes oreilles, et j’avais les yeux rivés sur le petit voyant qui indiquant la position de mon vaisseau par rapport au pont, généralement utilisé pour atterrir. Rapidement, je me trouvai dans la station, à flotter au milieu de la baie où la bataille entre les Tevarin et les pirates venaient subitement de prendre fin.

Il était extrêmement difficile de stabiliser le nez de mon chasseur, mais je le remontai brusquement et pointai mes armes en direction de Yusaf Asari et des autres combinaisons spatiales rouges.

“Tu sais ce que je veux, Asari.” dis-je à la radio. Les Tevarin, dans la confusion, avaient abaissé leurs poings. Certains avaient levé leurs fusils automatiques, mais les autres savaient à quel point ce geste était inutile et se tournèrent vers leur chef. Je fis pivoter le chasseur dans sa direction. “Je t’avais dit que je ne partirais pas sans elle.”

Un long silence s’en suivit.

Je commençai à transpirer. Les Tevarin n’étaient pas des pirates. Ils avaient peut-être commis des délits mineurs, mais tout le monde savait qu’ils avaient été envoyés à OSP-4 au lieu de leurs prisons de secteur parce qu’ils appartenaient à la mauvaise espèce. Asari savait que je ne les abattrais pas. Peut-être même qu’il appréciait le risque que j’avais pris. C’était, après tout, un Tevarin qui avait été arrêté pour s’être exprimé au nom des siens. Je m’exprimais au nom des miens.

“Wes Morgan est un homme qui a besoin de motivation pour respecter ses promesses”, lança-t-il finalement. “Mais toi, en revanche, tu as montré que tu savais respecter tes promesses, même au péril de ta propre vie. Avec toi, je n’ai pas besoin d’avoir une otage. Prends-la, et respecte ta promesse.”

Une petite silhouette en combinaison rouge se détacha des Tevarin et franchit la distance qui nous séparait en un rien de temps. J’ouvris la porte de la soute et elle grimpa à bord. Elle s’installa sur le siège du navigateur et je pressurisai de nouveau la soute afin qu’elle puisse retirer son casque.

Quelques instants plus tard, je sentis sa main sur mon épaule. “Je savais que vous reviendriez me chercher.”

Pour une raison qui m’est inconnue, je me révélai incapable de parler. J’avalai ma salive et pris une profonde inspiration, portai ma main à la sienne et la serra. “D’accord”, dis-je après m’être accordé un moment de silence. “Accrochez-vous. La manœuvre est délicate.”

Je pianotai sur les commandes et entendis le chuintement des propulseurs de manœuvre à travers les parois, alors que le chasseur commença à lentement dériver latéralement.

“Avery”, dit Cayla. Elle avait la gorge serrée, comme si elle luttait pour paraître apaisée.

“Quoi ?”

“Avery !”

“Quoi ?!”

Je sentis le véhicule faire une embardée et les indicateurs de dégâts se mirent à clignoter. Je redressa immédiatement le manche, essayant de compenser le mouvement brusque, mais c’était trop tard. Nous dérivions en avant. L’un des canons de la tourelle avait percuté la coque et s’était complètement tordu. Les étincelles jaillissaient de la charnière abimée entre le vaisseau et l’arme, jusqu’à ce que cette dernière casse et s’éloigna de nous.

“Les Chiens de Nova sont de retour, et ils ont un genre d’arme montée”, dit Cayla. “Ils s’apprêtent à refaire feu.”

Nous n’avions pas complètement quitté la pièce et il n’y avait pas la place pour effectuer une manœuvre d’évitement. Je m’appuyai sur l’armature du cockpit, m’enfonçai dans mon siège et m’accrochai du mieux possible alors que nous encaissions un tir. Le choc nous fit pivoter et glisser hors de la station. Je fis fi du reste et enclenchai les boucliers, puis je nous stabilisai une fois dans l’espace.

J’inspectai les dégâts alors qu’OSP-4 disparaissait derrière nous. La coque étaient marquée et criblée de trous à deux endroits distincts, et les moteurs n’avaient subi de que légers dégâts esthétiques. Le canon manquant était ce qui m’inquiétait le plus. Il faisait partie d’une paire de canons à neutrons reliés ensemble dans la tourelle, et j’avais peur d’utiliser le canon restant, au risque de provoquer un court-circuit. J’allais devoir me reposer sur le canon monté sur l’aile et le laser à répétition monté sous le nez.

La radio grésilla à côté de moi. C’était Morgan.

Cayla l’entendit également. “N’y répondez pas.”

Je levai les yeux au ciel. Ma main se plaça au-dessus de la radio. “Pourquoi ?”

“Il y a quelque chose que vous devriez savoir.”

À suivre…

Traduit de l’Anglais par VinceKun et Hotaru, relecture par Aelanna – Source : https://robertsspaceindustries.com/comm-link/spectrum-dispatch/14128-Orbital-Supermax-Episode-Ten
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