Kane est un fan francophone de la première heure. Il suit l’évolution de Star Citizen depuis longtemps. Il tient son propre blog : StarCitizenKane. A force de persévérance, il a réussi à contacter l’un des développeurs emblématiques de GIG Santa Monica, à savoir Gurmukh Bhasin, connu parmi les fans comme l’artiste concepteur du Carrack et plus récemment du Vanguard. Kane a pu lui poser quelques questions et a publié son entretien sur son Blog. Il vient de m’autoriser à publier sur Starcitizen.fr le contenu de son article.

StarCitizenKane
 
 
 
 
 

La création de vaisseaux dans Star Citizen

Entretien avec Gurmukh Bhasin, directeur artistique

 
 
Pour un certain nombre d’entre nous, l’aventure Star Citizen a commencé par un artwork à décoller les rétines et offrir un Paris – Nouméa à son imagination.
C’est mon cas.
 
Après quelques minutes de recherches google pour m’assurer que ledit artwork n’était pas une exception, mais que la direction artistique dans son ensemble envoyait méchamment du pâté, j’étais convaincu. Non seulement l’équipe Cloud Imperium rêvait en années-lumières et dessinait en microns, mais en plus, elle avait sacrément bon goût.
Pour ne rien gâcher, elle a, de surcroit, une volonté de transparence extraordinaire : tenir les futurs joueurs au courant de l’actualité du développement d’un jeu vidéo, ce n’est déjà pas une mince affaire quand on est une équipe de cinq personnes qui prévoit quelque chose d’un peu plus ambitieux de Flappy Bird, mais alors quand on atteint l’envergure de Star Citizen, organiser régulièrement des newsletters, des communiqués, des séries de vidéos récurrentes et un journal mensuel, ça force l’admiration.
Afin d’en apprendre davantage sur les coulisses de la création des bolides de l’univers Star Citizen, je suis allé à la rencontre de Gurmukh Bhasin, avec guère plus qu’une dizaine de questions plus ou moins intelligentes. J’adresse un immense merci à ce dernier pour sa disponibilité ainsi que le degré de détail avec lequel il s’est prêté au jeu, dans lequel on peut deviner toute la passion qui l’anime lorsque les vaisseaux prennent vie sous son stylet.
 
 

Présentation succinte de Gurmukh Bhasin

 
Gurmukh Bhasin est un architecte de formation et concepteur 3D, ayant passé quelques années à travailler sur des cafés, des skates parks, des aéroports, et à réimaginer Los Angeles, avant de rejoindre Cloud Imperium en 2014 où, comme il l’explique dans une publicité linkedin dont il est le héros, son rôle est d’imaginer la technologie telle qu’elle sera dans 900 ans.
Gurmukh est apparu dans un épisode de Meet the Devs, le Jump Point d’avril 2015, et bien d’autres encore.
Vous pouvez en apprendre davantage sur son travail en consultant son site web, dont la vidéo suivante vous donnera un avant-goût.
 

 
 

La création de vaisseaux

 
Question 1 : Lorsque vous créez de nouveaux vaisseaux, préférez-vous généralement :
– utiliser l’utilisation finale comme point de départ du brainstorming, par exemple “Faisons un vaisseau pour les contrebandiers. On va avoir besoin d’espace de cargo, de caches, d’une signature bouclier minimale pour déjouer les radars, et d’un moyen de disparaître en un clin d’œil lorsque la situation l’exige”.
– partir d’une esquisse générale, et retoucher peu à peu l’idée avec les suggestions des uns et des autres, par exemple “Ton brouillon a de sacrées lignes pour un vaisseau de combat, je pense qu’on pourrait en faire une version de course en virant un peu d’espace de stockage, ou même améliorer la qualité des équipements et des finitions pour en faire un bolide premium, adapté au longs voyages en solo.”
Avez-vous des exemples pour ces deux situations ?
Gurmukh Bhasin: Je commence toujours à partir de l’objectif final, ou du moins d’une idée générale de cet objectif. Savoir d’avance à quoi le vaisseau est destiné et comment il va marcher est sans doute la pièce du puzzle la plus importante avant de se lancer dans le design. J’aime le principe comme quoi “La fonction précède la forme”, savoir ce pourquoi le vaisseau est dessiné, c’est ce qui influence le plus sa conception.
Mais même si la fonction générale est vitale, c’est vraiment difficile de réussir les moindres détails du concept dès le départ. Par exemple, les dimensions du vaisseau changent beaucoup au cours du développement, ainsi que sur la toute fin de la phase de concept. D’autres choses comme l’armement ou la capacité du cargo varient beaucoup également, c’est un dialogue naturel entre l’équipe du design et celle du process pour parvenir à un résultat satisfaisant.

 
SCK-Carrack

Le Carrack, développé conjointement avec Chris Olivia, est un excellent exemple de la philosophie de Gurmukh Bhasin : partir de l’utilisation finale (un vaisseau pour les explorateurs) et en déduire les fonctions cruciales à développer (un cockpit panoramique offrant une vue imprenable). C’est également son vaisseau préféré.

 
Question 2 : Y a-t-il certains concepts et fonctions que vous aimeriez implémenter, mais dont vous peaufinez encore les détails techniques ?
G.B.: Star Citizen va avoir énormément de caractéristiques bien cool sur lesquelles on travaille encore. Je ne sais pas si tu as vu le message récent sur la façon dont le système de cargo va fonctionner, mais c’est assez cool. Il y a d’autres choses dans les tuyaux, mais je ne peux pas trop en parler.
 
Question 3 : Juste en regardant un nouveau vaisseau, est-ce que les gens peuvent deviner quel constructeur l’a produit ? Si oui, quels sont les détails qui peuvent les mettre sur la voie ?
G.B.: L’un des objectifs des équipes de concept et de conception 3D est de s’assurer que chaque vaisseau soit reconnaissable et ait une identité liée à son constructeur. Un bon exemple : en finissant le Vanguard, je me souviens que beaucoup de joueurs me disaient qu’il était très typé Aegis, c’était exactement l’effet recherché. Le design de nos vaisseaux les plus anciens avait tendance à partir un peu dans tous les sens, mais maintenant que les bases des styles ont été définies, c’est beaucoup plus simple de créer des choses avec une esthétique similaire à ce qui a déjà été fait.
Il y a plein d’éléments différents qui composent ces identités : les matériaux, les lignes, les courbes, le cockpit, la propulsion…

 
 

L’univers Star Citizen

 
Question 4 : Selon vous, sur quels éléments graphiques Star Citizen se distingue-t-il des autres univers de science-fiction ?
G.B.: Ce que je préfère dans la direction artistique Star Citizen, c’est son côté “science-fiction photo-réaliste”. J’adore le fait que Star Citizen créé un univers qui fasse vrai, rempli de détails, qui permettent au joueur d’avoir l’impression de faire partie intégrante du jeu. Je pense qu’une grande partie de cet effet vient de l’esthétique de tout ce qui est dans le jeu, et du niveau de détail qui a été apporté à chaque centimètre carré de décor. La façon dont les vaisseaux volent, dont tout est basé sur la réalité, telle qu’elle est, ou telle que nous imaginons qu’elle puisse être. Faire en sorte que nos designs soient aussi réalistes que possible, c’est ça qui me plait le plus.
 
SCK-Vanguard

Le Vanguard, développé avec Edwin Bachiller

 
Question 5 : Y a-t-il des situations où vous jetez des idées de planètes, de bâtiments et d’espèces à la poubelle en vous disant “ce serait bien dans X, mais ça n’a rien à faire dans Star Citizen ?
G.B.: Je travaille surtout sur les vaisseaux, donc je vais surtout répondre de ce point de vue. C’est un problème qui ne se pose pas vraiment. Bien entendu, on change le design et les “Specs” initiales d’un vaisseau au début de son concept, mais c’est juste parce qu’on teste des choses, et qu’on a fini par comprendre que certaines choses ne fonctionnent pas tout à fait comme on l’aurait pensé.
 
Question 6 : Alors que le jeu continue de s’agrandir et d’implémenter de nouvelles fonctions et de nouveaux systèmes solaires, quelle est la clé pour faire en sorte que Star Citizen reste un tout cohérent ?
G.B.: C’est une question qu’il faudrait poser à quelqu’un d’autre, je fais surtout dans les concepts de vaisseaux. Le projet est tellement gigantesque que je n’ai pas la moindre idée de ce qui se trame 80% du temps. Je serai aussi surpris que vous quand le jeu va sortir. On a tellement de gens impliqués, qui font tant de choses différentes qu’il est vraiment difficile de suivre tout ce qui se passe. Cela dit, les gars en haut de la pyramide sont clairement au courant des tous les développements et travaillent à ce que le jeu soit cohérent, et qu’il donne cette impression à sa sortie.
 
Question 7 : Quel rôle pensez-vous que le contenu modulaire et la génération procédurale pourraient jouer sur le long terme ?
G.B.: Je pense que le contenu modulaire va être crucial. Ce qui sera vital, ce sera d’utiliser cette modularité là où elle apporte quelque chose à l’expérience de jeu, et non pas l’appliquer partout. Personnellement, je n’ai pas envie de voir des vaisseaux Frankenstein partout, avec un nez de Hornet et une queue de 300I. Le jeu y perdrait, selon moi. Mais j’aimerais voir un vaisseau où il serait possible d’échanger les salles, comme par exemple une cuisine contre une autre, ou un système du genre, pour faire en sorte que chaque joueur puisse vraiment s’approprier son vaisseau, en faire quelque chose de personnel, aussi bien en termes de contenu que d’utilisation.
 
SCK-Constellation-Phoenix

La cabine intérieure du Constellation Phoenix.

 
Question 8 : Au delà des influences telles que Star Wars, Star Trek ou EVE, avez-vous d’autres sources d’inspiration, moins connues ?
G.B.: Je m’inspire surtout du réel, de voitures, de bateaux, d’avions, d’architecture, d’art, d’artistes, de science, et tellement plus. Évidemment, je m’inspire aussi d’autres films et d’autres jeux comme tu le suggères, mais j’essaie de limiter ça, et de me baser sur le réel autant que possible.
 
Question 9 : Quels sont les défis que pose le design de vaisseaux appartenant à des civilisations non humaines, comme par exemple les Xi’An et Vanduul ?
G.B.: Malheureusement je n’ai pas encore créé de vaisseau non-humain, donc je ne suis pas le mieux placé pour répondre. Je pense que le plus difficile serait de créer en gardant à l’esprit que leurs corps et leurs membres ne se comportent pas de la même façon que ceux d’un humain, donc la façon dont ils utiliseraient leurs vaisseaux pourraient potentiellement être complètement différente.
 
 

Questions personnelles


 
Question 10 : Dans votre interview Linkedin, vous mentionnez que vous étiez retourné vous former pour apprendre la robotique et le design pour l’environnement, afin de compléter votre expérience d’architecte. Quel genre de détails est-ce qu’une personne lambda ne remarquerait pas forcément, sans ces compétences spécifiques ?
G.B.: Je pense que la chose la plus importante pour un artiste concept, c’est que ses idées de design et leur esthétique apportent quelque chose. Je me sens particulièrement chanceux d’avoir suivi la voie de l’architecture avant de devenir concepteur, parce que j’ai étudié et créé des designs réalistes pendant plus de 15 ans, avant de me lancer dans les designs fictifs. J’ai l’impression que mon parcours me permet d’ancrer mes concepts d’une façon que les gens peuvent vraiment comprendre, à laquelle ils peuvent se rattacher. Ça m’aide vraiment à imaginer la façon dont ces vaisseaux pourraient fonctionner dans la réalité. Une des choses que je n’aime pas du tout, ce sont les concepts qui n’ont clairement aucune chance de fonctionner dans la réalité. Ils peuvent être jolis sur le papier, mais si les mécaniques n’ont aucun sens, le concept perd tout son intérêt pour moi, et je le mets de côté.
 
SCK-LosAngeles

La thèse d’architecture de Gurmukh: repenser Los Angeles en 2030.

 
Question 11 : En créant des choses qui n’ont pas besoin d’obéir à la gravité ou aux règles technologiques actuelles, est-ce que vous avez l’impression de devoir restreindre votre créativité pour que le résultat final reste plausible ?
G.B.: Il ne faut surtout pas restreindre sa créativité lorsqu’on créé quelque chose. Il faut laisser les idées jaillir. On ne sait jamais ce qui peut se produire dans l’avenir, mais on peut tout de même faire quelques paris raisonnables en se basant sur ce que l’on sait déjà. C’est ça qui est marrant quand on fait un jeu. Ça n’a pas besoin d’être correct à 100%, mais le fait de s’appliquer à faire quelque chose de réaliste aide vraiment à guider le développement et à le rendre plus fun.
 
Question 12 : Puisque vous avez dessiné des skate parks par le passé, avez-vous l’intention de faire des skate parks à faible gravité ou des hoverboards pour que l’on puisse explorer la jungle urbaine, à la Tony Hawk ?
G.B.: Ha ha, des skate parks futuristes, ça ne fait clairement pas partie de nos plans pour Star Citizen.
 

Pour en apprendre plus sur Gurmukh Bhasin

Si, comme nous, vous êtes sur le charme, passez donc sur le site de Gurmukh :
http://www.gurmukhbhasin.com
 
 
 


 
Merci de nous avoir lu. La version originale et les sources en Anglais sont disponibles à partir du lien ci-dessous.

Rédaction de l’article par Kane (StarCitizenKane.com), Relecture et Transcription sur SCFR par Lumelame.
Source : http://starcitizenkane.com/la-creation-de-vaisseaux-dans-star-citizen-entretien-avec-gurmukh-bhasin-directeur-artistique/
 

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