Mark Deters Show !

Eeeeet…vous ne rêvez pas, c’est bien moi ! Ahah, non, ne criez pas tous en même temps votre extase d’entendre à nouveau ma douce voix sur les ondes, j’en rougirais. Mais passons directement aux choses sérieuses. Si je suis sorti de mon religieux silence tel un Obama affligé d’une trumpogastrie, ce n’est pas pour uniquement vous régaler de mon orgasmique timbre mélodieux.

Peut-être vous souvenez-vous de notre cher infiltré, dont j’ai diffusé les dernières paroles il y a quelque mois ? Oui, vous m’avez bien compris, “dernières paroles”. Depuis ce rapport, je n’ai malheureusement plus de nouvelles de lui ! Je crains, mes amis, qu’il n’ait été corrompu ! J’ai reçu d’insoutenables photos de son porte-monnaie, soumis à la torture après les ventes anniversaires. Horrible. Mais aussi difficile que cela puisse être, il nous faut continuer le combat, en sa mémoire ; c’est ce qu’il aurait voulu, j’en suis sûr.

Et aujourd’hui, j’ai décidé de frapper fort. En effet, nous allons pénétrer dans le saint des saints : le studio de CIG à Santa Monica. Et pour éviter l’écran de fumée qu’ils servent à tous les journalistes, nous allons nous présenter en tant que candidat développeur ! Comme vous le savez, j’ai pas mal d’expérience dans le domaine, hein ; avec le succès de mon dernier jeu, Fence Offlined, je peux dire sans fausse modestie que je pèse dans le milieu.

Allons-y !

***

Je m’approche du grand studio de Santa Monica. Quelques heures plus tôt, le DRH de la compagnie m’a contacté pour un entretien privé, et j’espère en tirer profit autant que possible. Ma caméra cachée dans la cravate et le micro miniaturisé dans le col, je me sens tel un James Bond des temps modernes, prêt à infiltrer courageusement la source du mal pour y mettre un terme, une bonne fois pour toute. En traversant les portes vitrées, et au passage du buste de Chris Roberts dans l’entrée, je ressentis un frisson de peur glacé me remonter l’échine. Prenant mon courage à deux mains, je franchis la porte et m’avance vers la secrétaire qui, je ne peux m’empêcher de le remarquer, est fort bien dotée par Dame Nature.

– Bonjour Mademoiselle, excusez-moi, j’ai un entretien d’embauche avec le DRH de votre société, où dois-je aller ?

– Oui, veuillez patienter, je l’appelle et il va venir vous chercher. Prenez un siège dans la salle d’attente.

Lesdits sièges me firent un gros effet. Molletonnés de cuir et en bois d’acajou, je sentais crisser les billets qu’ils avaient dû débourser pour de tels joujoux. Après tout, il fallait bien recevoir les visiteurs, c’était primordial pour l’image de marque. Mais je ne pus me prélasser bien longtemps, malheureusement. Le DRH était réactif et il me tira de la somnolence qu’apportait la douceur du rembourrage.

– Ah, notre potentielle recrue ! Merci Mademoiselle Fox. N’oubliez pas notre rendez-vous professionnel de ce soir, surtout. Je m’en voudrais de boire une bouteille de champagne tout seul.

Après qu’il se soit présenté sous le nom de Kevin Honorfinger, nous montâmes à l’étage, et je remarquai qu’aucune salle de travail n’était visible des couloirs. De l’extérieur également, j’avais pu voir que les vitres semblaient fumées, de sorte que la lumière rentre mais que l’image n’en sorte pas. Ainsi, une fois arrivé à son bureau, je n’avais vu aucune trace indiquant la moindre activité à l’intérieur du studio.

– Cigare ?

À peine entrés et assis, ce fut la première chose qu’il me proposa. Je n’en fus pas choqué. Les pratiques des nantis bien payés ne divergeaient pas d’une industrie à l’autre. Je refusai poliment et il haussa les épaules en ne se privant pas dudit plaisir. La fumée commença à envahir rapidement la pièce, et je me retins de tousser. Il saisit mon dossier envoyé quelques jours plus tôt.

– Bien. Monsieur…François Pignon ? C’est un nom pas très commun. Vous avez des origines françaises, c’est cela ?

– Oui, je suis originaire de Floride, mes parents y ont émigré il y a longtemps. Ils sont très chauvins et n’hésitent pas à rappeler leurs racines et leur culture.

– Mes condoléances, ça ne doit pas être facile tous les jours.

– Mes parents ou mon nom ?

– Oh les deux. J’ai voyagé en France une fois. Non seulement ils ne font pas de fouille anale aux aéroports – je vous laisse imaginer à quel point je me sentais pas en sécurité-, mais en plus je n’ai pas pu repartir tout de suite, j’ai dû attendre entre deux grèves des pilotes qu’un avion soit disponible. Et je ne vous parle que de mon expérience en aéroport ! Heureusement que tout était payé par CIG.

– Vous étiez en voyage d’affaire ?

– Hein ? Oh non, je faisais seulement quelques petites courses. Ma femme voulait absolument un de ces colliers en…quoi déjà ? Ah oui, en diamant 40 carats – de petites raretés vous dis-je -, labellisés la Fayette. Et je tenais à ajouter le dernier modèle Rolex à ma collection. Mais trêve de banalités ! Je vois ici que vous avez travaillé à…Ubisoft ? C’est déjà un argument solide pour postuler chez nous ça…dans l’équipe de débuggage ? Vous me plaisez de plus en plus. Une ancienne expérience chez Bioware ? Dommage que vous n’ayez pas bossé sur le dernier Mass Effect, on vous aurait mis aux animations faciales.

– J’ai aussi fait de l’optimisation pour le….

– Tutututut, pas de ça chez nous. Un petit conseil, ne sortez jamais ce mot devant Brian Chambers, ça le fout en rogne.

– Ah, bon, très bien.

– Bon, et maintenant, dites-moi, pourquoi devrait-on vous prendre ?

– Eh bien, pour commencer, récemment j’ai fais un stage en communication chez Hello Games et…

– N’en dites pas plus.

Il faut croire que j’ai été convainquant, car il se saisit brusquement d’un dossier agrafé et me le présente, crayon à la main. Sans ambages, il explique que c’est un accord de confidentialité destiné à garantir que tout ce que je verrai et entendrai ne sortira pas de cette enceinte sans être filtré. L’innocent.

– Il y a des parties que je ne comprends pas très bien, “dévouement complet et entier à l’organisation….représailles létales si rupture du présent contrat…détention de proches en tant que garanties”…

– Oh ne vous embêtez pas à tout lire, ce n’est que de la formulation administrative obligatoire, rien d’exceptionnel. Signez, paraphez, et nous pourrons passer aux choses sérieuses. C’est bon ? Parfait ! Bienvenue à Santa Monica cher François ! Venez, je vais vous faire visiter.

Enfin ! Il est temps qu’en exclusivité, je fasse découvrir au monde cette vérité tant masquée, ce saint graal que les chevaliers d’internet cherchent à obtenir depuis tant d’années. Oui, aujourd’hui CIG, tu as vendu tes derniers JPEG !

Suite >>>

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