Afin de diversifier le contenu que nous mettons à votre disposition, nous avons décidé de développer notre éventail d’articles rédigés. Ce faisant, nous vous proposons aujourd’hui de découvrir notre nouvelle rubrique, intitulée “Pulsations”.

Voyez ces nouvelles comme des retranscriptions de signaux ayant traversé le temps et l’espace, en provenance d’un lointain pulsar. Ces histoires n’ont ni “avant”, ni “après”, et les personnages que vous découvrirez laisseront une empreinte éphémère dans le cosmos.

Ce que vous vous apprêtez à lire est une oeuvre de fiction purement amateure. Cette histoire ne s’inscrit donc pas dans le lore officiel publié par les auteurs de Star Citizen.

Bonne lecture !


La Rédaction

Pulsations – Episode 1

“Mollo”
Écrit par Hotaru, relu par Hyuryu

« Faut y aller mollo, gamin. Sinon, tout va nous péter à la gueule. »

La voix rocailleuse de mon grand-père grésillait sur les comms. La faute à son vieux coucou rafistolé de partout, le mien était flambant neuf. Tellement neuf, qu’il me manquait quasiment tout le strict nécessaire : boîte à outils, trousse de secours, rouleaux de papier cul…

« On en aura bientôt à la pelle », qu’il disait, le vieux. Ça faisait huit semaines qu’on minait quotidiennement le même gisement… alors il commençait à être un peu tendu.

« Je te préviens Viny, on n’a pas fait tout ça pour rien, alors baisse la puissance ou pointe ton machin ailleurs ! » Il parlait de mon faisceau laser, évidemment. Mais à chaque fois qu’il était irrité, mon grand-père perdait ses mots.

En même temps, pas facile de bosser sur un gisement pareil. Imaginez un peu : un bloc quasi pur de bexalite, de la taille d’une frégate, aux trois quarts entourés d’une couche de silice. Et dans un secteur déjà bien ratissé par les mineurs du secteur. Il devait son salut à l’épave d’un vieux cargo alien, qui produisait encore un champ magnétique.

Des restes de vaisseaux, probablement extra-terrestres, étaient encastrés dans la croûte. Ironie du sort : ils attiraient tellement l’attention, que les gens passaient à côté du véritable trésor. Comme dirait l’autre : le malheur des uns…

C’est en allant exécuter un autre contrat que Tony, mon grand-père, était tombé dessus. Il ne s’était pas fait berner, lui, parce qu’il avait eu la chance d’avoir un visuel direct sur la bête. Il avait aussitôt marqué l’emplacement, après avoir essuyé la bave qui tombait généreusement de sa barbe poivre et sel.

Enfin, surtout sel, maintenant. Tout au long de sa carrière, Tony s’était fait surnommer « le chat noir », parce qu’il avait le poil aussi noir que le vide spatial, et qu’il attirait les emmerdes comme un aimant.

Et quand je parle d’emmerdes, je parle d’explosions, de fragmentation, de désintégration… Le genre de trucs auxquels aucun « Opérateur d’Extraction » ne souhaite être confronté, à moins de s’enrôler dans la Navy. Pourtant, cette vieille canaille arrivait toujours à retomber sur ses pattes. Son vieux coucou était recouvert d’empreintes de chats, qui ressemblaient à des impacts de micro-météores de loin.

Avant de se lancer dans le minage, mon grand-père avait monté une compagnie de transports de marchandises, qui marchait plutôt bien. De temps en temps, il faisait appel à ses livreurs pour acheminer le fruit de notre labeur. Une bonne idée, si vous voulez mon avis. Ça coûte rien, et ça rapporte gros.

« Eh, Machine ! maugréa Tony sur le réseau comms. Toujours en train de pioncer ? » Du coin de l’œil, je voyais le Buccaneer de la mercenaire qui nous accompagnait. Légèrement à la dérive, le navire était légèrement en retrait.

C’était devenu une habitude dans certains systèmes un peu chauds. Si l’on voulait repartir en un seul morceau, avec ou sans le précieux chargement, valait mieux être accompagné.

« Regarde-moi ce boulot, Viny ! Fais gaffe à ton machin, bordel ! » Il recommençait, alors je m’exécutai. Je faisais gaffe à ne pas trop faire surchauffer le laser de minage, tout en veillant à ne pas transformer en poussière l’incroyable iceberg d’UEC qui se tenait devant mes yeux de minot.

« Eh Tony », lui lançai-je. Il n’aimait pas trop que je l’appelle comme ça, mais c’était ma façon de faire. « Tu crois pas qu’on devrait lui dire de se pousser ?

— Pour quoi faire, au juste ? Concentre-toi, on a presque terminé gamin, s’écria la voix hachurée par les grésillements.

— Faudrait peut-être aller la secouer gentiment, tu crois pas ? repris-je.

— Pour qu’elle aille dormir ailleurs, au lieu de faire le guet ? Bon sang gamin, je te jure qu’après ce gisement, plus jamais on n’embauchera de mercenaire de sa trempe. Ça, plus jamais… »

La surchauffe des lasers transformait nos cockpits en sauna. Sauf qu’on cuisait dans nos combinaisons de sortie extravéhiculaires. Question sécurité, vous comprenez. Si un rocher venait à créer une brèche dans la coque ou dans la verrière, on ne pouvait pas se permettre de mourir d’asphyxie.

Après une heure et demie de plus à s’acharner, les corps n’en pouvaient plus. Le mien, en tout cas, n’en pouvait plus. J’aurais bien aimé faire la sieste, comme la fille qui devait nous surveiller. Des crédits jetés directement dans le cul d’un trou noir, si vous demandiez l’avis de Tony. Il n’avait pas tellement tort.

Son chasseur continuait de dériver, au point d’en bafouer les règles élémentaires de sécurités. Je ne l’avais pas remarqué, mais sur les écrans radars, la mercenaire était plus proche du gisement que nous ne l’étions.

« Eh, Tony, il faut vraiment…

— Pas maintenant, surveille ton m… »

La carlingue de mon vaisseau se mit subitement à trembler et à grogner. Le laser surchauffait dangereusement, et avant même que je puisse reprendre le contrôle, il s’éteignit dans un nuage de fumée.

« Oh merde. » fut tout ce qui put sortir de ma bouche.

« Viny ! hurla mon grand-père, tes écrans radars ! »

Mes capteurs signalaient de nombreuses fractures au sein de l’enveloppe de silice, et mon écran multifonction était criblé de points d’exclamation écarlates. D’après les relevés, ce qu’il restait à dégager se décrochait d’un seul tenant, ou presque.

Le Buccaneer se mit à tournoyer violemment, comme pris dans un tourbillon. Un rocher vint taper une de ses ailes, dans le sens contraire à sa rotation. J’en avais la nausée pour la pilote, qui devait probablement rendre son déjeuner. Un prêté pour un vomi, on dira.

J’ignore encore ce qui est venu frapper sa boîte de conserve, mais une gerbe bleu et jaune jaillit de ses moteurs. En une fraction de seconde, nous n’étions plus que deux âmes dans un rayon de plusieurs centaines de milliers de kilomètres.

Tony hurla sur les comms : « Viny, procédure d’urgence, mets-toi vite à l’abri ! ». C’est là que tout ne devient plus qu’instinct : une seconde d’hésitation, et vous vous embrassiez à coup sûr un bloc de la taille d’une navette de transit.

On était trop près du gisement pour être sereins. Il fallait surveiller l’énorme anomalie blanche clignotant en rouge sur l’écran d’opération, slalomer entre les débris qui avaient été projetés par l’impulsion du laser de minage, et atteindre le versant de l’astéroïde qui nous protégerait.

Le plus compliqué, je crois, c’étaient les premières secondes. Je faisais face à un nuage de débris m’arrivant droit sur la gueule, et mon vaisseau ne pouvait pas aller plus vite en reculant. Tangage à gauche : alerte projectile. Tangage à droite : alerte projectile. J’étais coincé.

Tony avait été plus preste que moi – la force de l’habitude – il se rapprochait de moi à une vitesse folle. À un moment, j’ai tenté un truc. J’ai poussé sur les manettes, et propulsé le nez de mon appareil de façon à me retourner complètement.

Je n’avais pas prévu que la poussée de mes réacteurs à pleine balle balance des débris sur Tony, qui était presque à ma hauteur. J’aurais dû y penser. Ou pas, honnêtement j’en sais rien. Avec l’inertie, je me suis rapidement retrouvé à l’abri.

« Tony ? Tony, ça va ? » Pas de réponse. « Tony, réponds s’te plaît, ça commence à m’inquiéter », lançai-je sur les comms. Il n’y avait toujours pas de grésillements, et son vieux coucou dérivait toujours un peu plus. Rien ne semblait le heurter.

Avant même que je puisse me stopper, Tony disparut derrière une crête. J’étais seul, le visage trempé. Si je vous disais que c’était que de la sueur, je vous mentirais. Mes appels demeuraient sans réponse, et pour cause : mes systèmes comms avaient été neutralisés, probablement pendant ma pirouette.

Une colonne de lumière s’éleva au loin, derrière « l’horizon ». Une aura bleutée s’estompait peu à peu dans le vide sidéral.

J’ai dû rester comme un con, à me tenir la tête, pendant vingt bonnes minutes. J’avais pratiquement épuisé mes vivres, et je n’avais pas de quoi réparer mon navire.

Je pensais. Je n’avais plus que ça à faire. Je n’avais plus qu’à repartir pour la station relais, ravitailler mon navire, et donner les coordonnées du gisement aux gars. Mais à quoi bon, franchement ?

Je me tenais toujours la tête, alors que l’aura bleutée disparut complètement.

Je pris le temps de me lever pour faire quelques pas dans la coquerie, histoire de reprendre mes esprits. J’ai bien cru devenir fou quand des coups de firent entendre. Réguliers. Trois coups, puis plus rien. De nouveau trois coups, de nouveau plus rien.

Imaginez ma tête, lorsque la porte s’ouvrit, en voyant Tony qui brandissait sa clé à molette dans une main et son kit d’outils dans l’autre.

« Eh ben alors, gamin, t’arrives plus à parler avec ton machin ? me lança-t-il.

— Tony… ? Attends, quoi ? »

Idiot comme j’étais, je n’avais même pas remarqué que mon ATH était calé sur le système de comms hors service du navire. Les canaux privés, eux, débordaient de messages. Quelques poussées d’azotes plus tard, Tony se tenait avec moi dans la coquerie.

« Je crois que le Chat noir a tiré sa révérence, dit-il avec tristesse.

— Vive le Chat noir, répondis-je, ému.

— Allez Viny, cap sur la station. On a des coordonnées à transmettre à nos livreurs, et un ou deux mineurs supplémentaires à engager. »

Pendant le saut quantique qui nous propulsait à travers le cosmos, je m’imaginais vivre mille vies. Que faire de tout l’argent qu’on empocherait ? Dégoter un nouveau Chat noir, c’était sûr.

« Dis, Tony. Tu crois qu’on pourrait se trouver une Panthère noire ?

— Où tu veux en venir, gamin ?

— Je pense qu’il est temps de passer à la vitesse supérieure et de nous prendre un de ces vaisseaux de classe Orion, dont t’as toujours rêvé.

— Tu sais, répondit mon grand-père en posant doucement sa main sur mon épaule, l’argent, c’est comme tout. Faut y aller mollo, gamin. Sinon, tout va nous péter à la gueule. »

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