Je regardai longuement le gamin qui commerçait sous mon nom, derrière les viseurs des deux armes de poing. Le faux-moi frissonnait et chialait, mais autrement il ne bougeait pas. En le fouillant, je trouvai un pistolet bon marché qui exploserait probablement avant de tirer juste, et une matraque télescopique dans sa botte. Je les jetai dans la rivière.

“S’il te plaît mec, je ne voulais-” Sa voix était faible, tremblotante. Je le frappai sur la nuque. Il tomba et se roula en boule. C’est là que les jets d’eau se mirent vraiment en marche. Il pensait savoir ce qui allait se passer, mais il y avait des choses plus importantes en jeu. C’est ce que je n’arrêtais pas de me répéter, car je ne cessais de penser à elle et c’était très mauvais pour le faux-moi.

“Crois-le ou non, mais c’est ton jour de chance” dis-je, lui braquant l’arme en plein visage, “Tu vois, normalement, les trafiquants sans tripes comme toi reçoivent ce que j’appelle ‘le classique.’ Sans entrer dans les détails, c’est un processus prolongé et salissant qui peut durer des jours.”

Il se mit à bredouiller n’importe quoi, son esprit fonctionnant trop vite pour former des mots. Je tirai ma lame. Il se tut.

“Et par-dessus le marché, tu as utilisé mon nom, donc disons simplement que ‘le classique’ serait mon point de départ, avant d’explorer des lieux profonds et sombres qui sont terrifiants, même pour moi.”

Il ferma les yeux tandis que son imagination se mettait au travail. Je le laissai mariner quelques instants.

“Mais je veux choper quiconque dirige cette bande. Donc vois les choses comme ceci : plus tu lâches d’infos, moins tu reçois de douleur.”

Je pointai le flingue vers sa main et lui désintégrai un doigt. “Ça c’est notre point de départ.”

Il hurla en s’étreignant la main.

“Maintenant, crache le morceau.”

Et il le cracha bien. Il balança tout le monde. J’obtins les noms des rabatteurs envoyés à la recherche de victimes potentielles, ainsi que ceux des flics ripoux et agents d’expédition payés pour regarder ailleurs. Je mis tout ça de côté. C’était bon à savoir mais c’était du menu fretin, je voulais les gros poissons.

Entre les sanglots et les bredouillements, Faux-moi m’en donna un. Peut-être le plus gros qui soit :

“Caro”, murmura-t-il comme si l’évocation du nom allait invoquer le diable.

Mon estomac se noua. Caro est un fantôme, un de ces opérateurs de l’ombre pour lequel personne ne travaille vraiment, mais que tout le monde connaît. Il (ou peut-être elle) est intouchable, mortel, et c’est le plus gros trafiquant qu’on puisse trouver. C’était énorme. Terrifiant, aussi.

Je le remis sur ses pieds et lui appuyai le canon sur le visage.

“Tu l’as vu ?” sifflai-je. Il commença à hocher la tête lorsqu’une brève rafale de coups de feux transperça la pluie diluvienne. Quatre balles clouèrent Faux-moi dans le dos avant qu’un dernier tir à la tête ne l’abatte pour de bon.

J’aperçus brièvement le tireur. Grand, coupe militaire, une profonde brûlure de laser de la joue à l’oreille. Il visa. Je levai d’un coup mon flingue et tirai le premier. Il disparut, tandis que trois de ses amis surgirent à découvert, pointant leurs P4SC modifiés vers moi. J’entendis des bruits de pas sur ma gauche. On dirait que quelqu’un arrivait un peu tard pour me prendre à revers.

J’avais déjà commencé à courir lorsque le premier tir retentit. Première règle quand on est pris en embuscade : sortir de l’embuscade. Ça paraît évident, mais vous seriez surpris par le nombre de gens qui se retranchent et essaient de riposter.

Je courus à travers les passages étroits entre les vaisseaux garés. J’entendais des bruits de pas autour de moi, pas de voix en revanche. Des Comms sous-cutanés ? Je n’aurais probablement pas dû jeter tous ces flingues que j’avais pris à Faux-moi et ses voyous.

Des balles venues de derrière sifflèrent autour de moi. Je jetai un coup d’œil en arrière. Un des tueurs me mettait en joue. Je lui retournai quelques balles. Il se mit tranquillement à couvert. Position de tir militaire. Calme sur la détente. C’étaient des tueurs de haut-vol. Ça sentait le roussi.

Je criblai sa cachette de tirs avant de me sauver. Je partis au sprint, tentant de me remémorer la disposition de ce terrain et ma position. Un fusil surgit juste devant mon visage. Marque-de-laser était du côté le plus sympathique du viseur. Je m’emparai du canon de l’arme et le détournai avant qu’il n’appuie sur la gâchette. Des tirs atteignirent le sol, les vaisseaux à proximité, partout où ma main poussait le baril. La peau de ma main commençait à brûler. Je relevai mon pistolet et décochai des tirs. Marque-de-laser lâcha son fusil pour éviter mes balles. Il attrapa mon poignet, cogna sur ma main, puis fit sauter le flingue de mes doigts desserrés.

Il tira un couteau de combat. Nous nous asticotâmes d’avant en arrière pendant un temps, aucun de nous deux ne parvenant à infliger une vraie coupure. Je voyais qu’il était bon, probablement meilleur que moi. Il se déplaçait avec rapidité, précision et expérience. Malheureusement, je n’avais pas le temps de jouter avec ce type. Il voulait me retarder. Laisser le temps à son équipe de se rapprocher.

Je mis un grand coup de couteau. Il sauta en arrière, mais ce n’était pas lui que je visais. Je tranchai quelques tubes sur l’ascenseur à vaisseaux à ma gauche. Du liquide hydraulique commença à se déverser. Un des coins émit un sifflement, puis se mit à pencher. Le vaisseau glissa. Marque-de-laser plongea hors de sa trajectoire avant qu’il ne s’écrase au sol, tandis que je prenais mes jambes à mon cou.

Je sautai par-dessus la barrière et repartis aussitôt en courant. Deux pâtés d’immeubles plus loin, je rejoignis le flot des passants. Je me fondis dans la masse. Je continuai à me déplacer pendant une heure, usant de toute ma panoplie d’astuces pour me débarrasser d’une filature. Une fois satisfait, je me glissai dans un petit restaurant Kecho.

Le vieux couple qui gérait l’endroit ne cessa de se crier dessus pendant tout le temps où j’y restai. J’essayai de rassembler mes idées. La situation ne cessait de devenir à la fois plus désespérée et plus intéressante à chaque seconde qui passait.

Du coin de l’œil je regardai SSN/CAtv, le son coupé, qui montrait des images en direct des célébrations de la fête du Citoyen en centre-ville. Le Sénateur Hannigan prononçait un discours, faisant probablement l’apologie des vertus de la civilisation, et de chaque Citoyen qui faisait son devoir ou une absurdité du genre. La foule buvait ses paroles.

Hannigan commença à quitter la scène. Son entourage se resserra tout autour de lui. C’est là que je le vis. Je plongeai presque par-dessus le comptoir pour m’emparer de la télécommande. Le vieux couple cessa de s’invectiver pour me crier dessus.

Je mis la diffusion en marche arrière, puis en pause. Une nano-seconde avant que Hannigan ne disparaisse de la vue, un homme lui murmurait à l’oreille.

Marque-de-laser.

… À suivre

Traduction par Baron_Noir, relecture par Hotaru – Source : https://robertsspaceindustries.com/comm-link/spectrum-dispatch/12819-Tales-Of-Kid-Crimson-Issue-6

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